Mali : « C’est insensé ce qu’ont fait les islamistes » à Tombouctou


Lecture 4 min.
arton29077

Suite à la profanation des manuscrits de la prestigieuse Bibliothèque de Tombouctou par des groupes islamistes du Nord-Mali, l’heure est à la reconstitution. Des intellectuels dénoncent des actes lâches. L’Unesco tente à tout prix de redonner à Tombouctou sa place de Patrimoine mondial.

« Ce ne sont pas des musulmans, ce sont des bandits ! », lance Mohamed Elher Ag Abba, un voisin du centre culturel de Tombouctou où les islamistes ont brûlé, le 24 janvier, d’importants manuscrits. Une déclaration qui traduit le sentiment de rage qui anime bon nombre d’habitants de cette localité.

Les images de destruction ont été diffusées le lendemain sur tous les écrans de télévision. Des fragments de livres calcinés, des amas de cendre, des boites d’archives tripes à l’air. Deux semaines après ce triste épisode, le pays tente de tourner la page depuis la fuite des islamistes. Les villes détruites sont petit à petit en phase de reconstruction. Les voix se lèvent et de nombreux spécialistes, ayant travaillé sur la question, dénoncent un acte ignoble et lâche commis par des « bandits ».

« J’ai peur pour l’Unesco »

Joint par Afrik.com, Jean-Michel Djian, journaliste Rédacteur en Chef de France Culture et auteur de « Les manuscrits de Tombouctou. Secret, Mythes et Réalités » revient sur ces actes de profanation qui resteront à jamais gravées dans les mémoires des habitants de cette ville. « Tombouctou est une ville extrêmement importante pour le Mali. Les manuscrits sont la trace d’une civilisation écrite et non orale. Les manuscrits englobent tous les domaines du savoir : astrologie, astronomie, mathématique, littérature, culture, etc » déclare-t-il.

Il déplore les actes barbares des terroristes commis il y a quelques semaines, mais explique par ailleurs que les documents incendiés n’étaient pas significatifs. « Les documents brûlés par les islamistes n’étaient pas significatifs car l’essentiel des documents avait été sauvé. Les bibliothécaires de Tombouctou ont pris les devants. Ils ont très vite transféré les documents les plus importants vers Bamako », a-t-il ajouté.

Il considère que c’est d’autant plus scandaleux que les islamistes eux mêmes se disent musulmans. Ce qui pour lui n’a aucun sens. « C’est insensé ce qu’on fait les islamistes. On n’arrive pas à le comprendre. C’est comme un curé qui détruit une église. Cela n’a aucun sens en réalité ».

Jean-Michel Dijan exprime son inquiétude sur la volonté de l’Unesco de reconstituer les manuscrits de Tombouctou. « J’ai peur que tout cela soit un peu lent. L’Unesco doit faire vite pour la reconstitution de toutes ces richesses perdues. ». Il dénonce la profanation des lieux sacrés de Tombouctou.

L’Unesco y va jusqu’au bout

Aujourd’hui, l’Unesco se bat corps et âme pour reconstruire les mausolées et sauver les manuscrits. Elle prévoit même d’envoyer une mission d’évaluation dans cette ville du Nord Mali. « Dès que la situation le permettra, nous allons envoyer une mission d’experts pour évaluer la situation. Nous sommes très mobilisés pour accompagner les autorités et les populations dans la reconstruction des mausolées. Nous avons les plans, les photos et l’expérience nécessaires » précise Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco.

Un pays à moitié assiégé

Après avoir occupé le Nord-Mali pendant des mois, les djihadistes ont finalement été contraints à l’exil par les armées françaises. Une présence assortie d’une punition et d’une humiliation quotidienne auxquelles les populations étaient soumises. Les couples illégitimes étaient lapidés. Les présumés voleurs amputés. Les hommes accusés d’adultère étaient publiquement punis au nom de la Charia.

Le pire est à craindre

Néanmoins, au-delà des exactions commises sur les civils, les autorités du pays craignent le pire. Ils craignent en effet que les extrémistes djihadistes s’emparent des lieux sacrés de la culture musulmane. La ville de Tombouctou est désormais placée sous haute surveillance.

Tout cela est arrivé bien tard et n’a pas empêché le pire de se produire. Le 24 janvier, les djihadistes ont fuit le pays et ont tout brûlé sur leur passage, y compris les manuscrits de la Bibliothèque de Tombouctou.

Tombouctou, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, n’est plus sous l’emprise islamiste, mais reste encore une ville fantôme.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News