
Au lendemain d’une manifestation réprimée à Antananarivo contre les délestages, la capitale malgache compte ses blessés et ses morts. Entre pillages, couvre-feu et colère de la jeunesse, Madagascar s’enfonce dans une crise sociale et politique inquiétante.
La capitale malgache s’est réveillée, vendredi 26 septembre 2025, marquée par le chaos. Au lendemain d’une manifestation interdite contre les coupures d’eau et d’électricité, réprimée par les forces de l’ordre, Antananarivo panse ses plaies. Entre vitrines brisées, véhicules calcinés et commerces saccagés, l’ambiance est à la fois au désarroi et à l’entraide.
Une capitale meurtrie
Dans plusieurs quartiers de la ville, les stigmates de la nuit précédente sont visibles : chaussées brûlées, poteaux électriques arrachés, distributeurs automatiques détruits. Le centre commercial Tana Water Front a été entièrement pillé. « Jusqu’au petit matin, le centre commercial appartenait aux bandits », déplore Vonjy Rambolazafy, sa responsable.
Les habitants, sous le choc, se sont néanmoins mobilisés pour nettoyer les rues et sauver ce qui pouvait l’être. « On nous accuse d’être ceux qui ont cassé les magasins, mais ce n’est pas vrai », témoigne un jeune manifestant issu du mouvement Génération Z, à l’origine de la mobilisation.
Une jeunesse en première ligne
Ce mouvement sans leader désigné, porté par la jeunesse malgache, revendique des droits fondamentaux face à la dégradation des conditions de vie. Selon Marie-Christina Kolo, militante des droits humains, les jeunes étaient venus pacifiquement « avec des pancartes » avant d’être assimilés à des pilleurs. « Nous avons peur de la récupération politique et des représailles », prévient-elle.
Les manifestations du 25 septembre ont fait au moins cinq morts, selon une source hospitalière. Le Premier ministre Christian Ntsay a confirmé l’instauration d’un couvre-feu de 19h à 5h du matin.
Un climat politique sous tension
Alors que les forces de sécurité ont quadrillé la capitale jeudi, leur absence a été remarquée lors des pillages nocturnes. Plusieurs domiciles de parlementaires proches du pouvoir ont été incendiés, ainsi qu’une station du téléphérique, l’un des projets phares récemment inaugurés par le gouvernement.
Depuis New York, où il participait à l’Assemblée générale de l’ONU, le président Andry Rajoelina a finalement réagi en condamnant « les actes de vandalisme » et en appelant au calme. Mais pour de nombreux observateurs, la crise dépasse la seule question des délestages. Les manifestants dénoncent aussi la corruption, le manque de transparence et l’absence de réponses concrètes à la pauvreté persistante, qui touche près de 75 % de la population.
Une contestation appelée à durer
Malgré le couvre-feu et la répression, des violences sporadiques et de nouveaux appels à manifester circulent déjà sur les réseaux sociaux. Le drapeau pirate de la série japonaise One Piece, devenu symbole de contestation pour cette jeunesse, flottait encore jeudi dans les rues de la capitale.
À Antananarivo comme ailleurs, beaucoup craignent une escalade de la violence. Mais pour une partie de la jeunesse malgache, la mobilisation ne fait que commencer.