
Alors que les cancers du pancréas progressent rapidement en France, une nouvelle piste inquiète la communauté médicale : la présence de cadmium dans certains engrais d’origine marocaine. Ce métal lourd, déjà classé cancérogène par l’OMS, pourrait contaminer les sols agricoles et, par extension, notre alimentation quotidienne. Plusieurs médecins, dont le nutritionniste Arnaud Cocaul, tirent la sonnette d’alarme et demandent un encadrement strict des importations, redoutant une crise sanitaire liée à cette exposition silencieuse.
En 2023, près de 16 000 nouveaux cas de cancer du pancréas ont été recensés en France, selon les données les plus récentes de l’Institut national du cancer. Cette maladie, parmi les plus redoutables en raison de son diagnostic souvent tardif, connaît une progression constante depuis plus d’une décennie. Face à cette tendance alarmante, certains médecins tirent la sonnette d’alarme et pointent du doigt un facteur environnemental méconnu : le cadmium, un métal lourd présent notamment dans certains engrais importés du Maroc.
Accords agricoles entre la France et le Maroc
Le nutritionniste Arnaud Cocaul dénonce un lien possible entre cette contamination et la hausse des cancers du pancréas, en particulier chez les plus jeunes. Selon lui, le cadmium contenu dans ces engrais pourrait être à l’origine d’une « explosion des cancers du pancréas dans la population française de moins de 20 ans ». Le praticien s’inquiète également des accords agricoles spécifiques entre la France et le Maroc, qui expliqueraient en partie, selon lui, un différentiel de mortalité avec d’autres pays comme l’Allemagne ou les États-Unis.
Depuis 2010, la progression de cette maladie en France est constante, avec une hausse estimée à +1,6% par an chez les hommes et +2,1% chez les femmes. Ces chiffres, déjà préoccupants, viennent renforcer la nécessité d’explorer toutes les causes possibles, y compris celles liées à l’environnement et à l’alimentation. Le cadmium est un élément chimique classé depuis 2012 comme cancérogène avéré (groupe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Principaux vecteurs d’ingestion de cadmium
Présent naturellement dans la croûte terrestre, il est utilisé dans certaines industries et entre dans la composition des engrais phosphatés. Son danger réside dans sa capacité à s’accumuler dans le corps humain au fil des années, provoquant des effets délétères à long terme. Santé publique France le qualifie de « toxique cumulatif », précisant que le risque est directement lié à la dose absorbée tout au long de la vie.
Les engrais phosphatés provenant du Maroc seraient particulièrement concernés par cette contamination. Leur teneur en cadmium est jugée plus élevée que celle d’autres sources d’approvisionnement, ce qui pourrait expliquer la présence accrue de ce métal dans certains sols agricoles français. Par effet domino, les cultures absorbent ces résidus, qui se retrouvent ensuite dans l’alimentation. Plusieurs études confirment cette exposition chronique : le pain, les pommes de terre, les légumes à feuilles vertes, les céréales et même les fruits de mer sont parmi les principaux vecteurs d’ingestion de cadmium.
Double risque de développer un cancer du pancréas
Ce métal lourd se fixe durablement dans l’organisme, notamment dans le foie, les reins et le pancréas, où il peut provoquer un stress oxydatif, perturber la régulation cellulaire et endommager l’ADN. Une méta-analyse récente a d’ailleurs montré que les personnes les plus exposées au cadmium avaient plus du double de risque de développer un cancer du pancréas par rapport à celles qui en étaient peu exposées. Le lien biologique est donc jugé plausible par la communauté scientifique.
Face à ces constats, le docteur Arnaud Cocaul appelle les autorités françaises à agir sans tarder. Il recommande de suspendre temporairement les importations d’engrais fortement contaminés en provenance du Maroc, le temps de mettre en place un contrôle strict des taux de cadmium. Il plaide également pour un renforcement de la surveillance de l’exposition alimentaire à ce métal, ainsi qu’une meilleure sensibilisation du grand public aux risques liés à cette contamination invisible mais persistante.
Un problème politique et économique d’envergure
L’enjeu touche à l’agriculture, à l’importation et à la sécurité alimentaire. La France est l’un des plus gros utilisateurs d’engrais en Europe, et une partie non négligeable de ces produits provient du royaume chérifien. Si la présence de cadmium dans ces engrais venait à être confirmée à grande échelle, cela poserait non seulement un défi sanitaire, mais aussi un problème politique et économique d’envergure.
Il convient toutefois de rester prudent. Les scientifiques soulignent que d’autres facteurs, tels que le tabac, le diabète, l’obésité ou encore le vieillissement de la population, jouent un rôle important dans l’incidence du cancer du pancréas. De plus, les études sur le cadmium montrent parfois des variations significatives selon les populations et les niveaux d’exposition.
« Agir avant qu’il ne soit trop tard »
Mais pour de nombreux experts, l’heure n’est plus à l’attente. Les preuves disponibles sont suffisantes pour justifier des mesures préventives immédiates. Le cancer du pancréas demeure l’un des plus meurtriers, avec un taux de survie à cinq ans inférieur à 10%. Réduire les sources d’exposition environnementale pourrait constituer une avancée majeure dans la lutte contre cette maladie.
L’hypothèse du cadmium d’origine agricole comme facteur aggravant ne peut donc plus être écartée. Dans un contexte où les maladies environnementales se multiplient, la vigilance s’impose. Comme le rappelle Arnaud Cocaul, « il faut agir avant qu’il ne soit trop tard ». Pour les médecins, cette contamination représente une véritable bombe sanitaire, silencieuse mais potentiellement dévastatrice.





