
Les autorités rwandaises sont toujours imaginatives et douées dans l’art de nommer ses « adversaires politiques » tant internes qu’externes. La pratique de diabolisation a plutôt bien marché, surtout dans le contexte rwandais d’après-génocide. Ce dernier ayant aussi servi, à plus d’un égard, de prétexte pour faire taire les voix de l’opposition. En particulier, l’idéologie génocidaire aura raflé les coupables innocents. Dans certains cas, les preuves des sentences n’ont jamais été clairement établies, tant elles ont été montées par une législation singulièrement marquée par ses imprécisions et par son flou artistique.
Aujourd’hui, il semble plus facile, pour le gouvernement rwandais, de traiter son adversaire politique de « terroriste ». C’est une nouvelle tactique pour déstabiliser son opposition opérant surtout à l’étranger. Dans ce contexte, la cellule rwandaise de renseignement financier (Financial Intelligence Unit) vient de publier tous azimuts une liste de 25 personnalités rwandaises de l’opposition, les qualifiant de terroristes. Il s’agit, pour la plupart, de dirigeants de partis politiques et de quelques militaires ayant servi le régime actuel de Kagame ou celui de son prédécesseur. Hutus et Tutsis s’y retrouvent pêle-mêle, avec une identité commune, celle de la défiance au pouvoir de Kigali.
Le général Nyamwasa, ancien compagnon de Kagame, siège côte à côte avec le général Byiringiro du FDLR, sur cette fameuse liste évidemment. Qui l’eût cru ! L’ancien secrétaire du FPR, Theogene Rudasingwa, n’a pas été oublié, tout autant que le père du grand basketteur français, Monsieur Ntilikina.
Sans pour autant commenter chacun des profils listés, on peut toutefois souligner la présence de Madame Christine Coleman Uwizera, pasteure et responsable du parti MRD, la seule femme de la liste à prédominance masculine.
L’auteur de la liste semble implicitement ou explicitement établir un lien commun avec le FDLR, pour le moins fictif, sans fournir le moindre élément de preuve. On peut néanmoins questionner la temporalité de cet acte posé en ce moment. Selon certains observateurs, la communauté internationale se réveille peu à peu et exige un dialogue inclusif inter-rwandais.
La tactique de diabolisation serait donc une nouvelle tentative de le freiner, sous prétexte qu’il s’agit de terroristes ou de génocidaires, selon le cas de figure.
La situation rwandaise actuelle appelle à la double vigilance de la communauté et des institutions internationales, Interpol en l’occurrence, pour ne pas tomber dans le piège de certains pays qui abusent de leur pouvoir.
Faisant fi, un instant, de l’image rwandaise vendue aux médias, les citoyens rwandais aspirent à un projet politique qui rassemble plutôt qu’un projet qui divise pour mieux régner. Telle est la vraie image des Rwandais.