
Des nids d’éléphant mortels, des marchandises qui pourrissent en pleine route, des pompiers bloqués lors d’interventions urgentes… Le délabrement des infrastructures routières camerounaises n’épargne aucune catégorie sociale et provoque une grogne généralisée. Du délégué général à la Sûreté nationale au simple commerçant, tous subissent les conséquences d’un réseau routier à l’agonie.
Le mauvais état des routes camerounaises observé dans les villes et dans les villages cause de sérieux problèmes dans divers secteurs d’activités. Cette situation somme toute désolante touche pratiquement toutes les classes sociales. Ce qui se murmurait donc par les populations, vu la gravité extrême, commence déjà à se dire tout haut.
Nous avons encore en mémoire les sorties d’abord du délégué général à la Sûreté nationale, qui, secoué sur l’axe Moutengene-Douala, bien que son véhicule avait des amortisseurs hyper solides, avait fini par interpeller le ministre en charge des travaux publics. Nous avons également le report d’une cérémonie de pose de la 1ère pierre que devait présider un membre du gouvernement à Douala. Mais le blocage de son cortège sur l’axe Edéa-Douala l’avait contraint à y surseoir. À cela s’ajoute la récente plainte du patronat camerounais (Gecam) concernant nos routes.
Ne dit-on pas souvent que « quand la route passe, le développement suit » ? Vu le piteux état de nos routes, cette assertion suscite des interrogations au sein de la population.
Des conséquences dramatiques pour les citoyens
« La distance qui sépare notre quartier et la base des soldats du feu (sapeurs-pompiers) n’est pourtant pas grande. Mais, à cause des nombreux nids d’éléphant sur la chaussée, j’avais perdu ma maison et tout son contenu. Dieu merci, on n’avait pas enregistré des pertes en vie humaine. Mais les dégâts matériels étaient énormes. Mais auprès de qui devais-je me plaindre ? », indique l’enseignant Samuel B.
Pour Pascal T., chauffeur de camion, « le calvaire que nous vivons sur nos routes nationales, dans les villes et villages, dépasse notre entendement. Ce mauvais état de nos routes nous cause beaucoup de dommages. Je m’empresserai de citer le mal de reins, parce qu’il faut aller tantôt à gauche, tantôt à droite, des pieds, des mains, la fatigue, le stress provenant de l’immobilité du véhicule sur place pendant de longues heures, de la réparation et des échanges de pièces tous les jours, des délais de livraison qui ne sont pas respectés, des marchandises qui pourrissent, les risques d’agression, etc. ».
« Même nous qui n’avons aucune formation dans le domaine des travaux routiers, savons même que la saison sèche est le moment propice pour ce genre de projet. Chose surprenante, nos routes, souvent non encore réceptionnées, commencent déjà à se dégrader. Qu’est-ce qui cause cet état de chose ? Ce sont les études du sol qui sont mal faites ? Ou encore, ce sont les marchés accompagnés des pots-de-vin ? Et comme si cela ne suffisait pas, ces entreprises sont bien connues, elles ne sont pas sanctionnées. Après quelques mois ou années, on leur redonne le même marché. De qui se moque-t-on ? », ajoute-t-il.
« À cause du mauvais état de nos routes, j’ai perdu ma maman il y a de cela quelques mois. Elle avait eu un malaise à la maison. Nous avions vite appelé l’ambulance. Le chauffeur de l’ambulance, même en utilisant son gyrophare, ses clignotants et sa sirène, n’avait pas pu se frayer un passage. Et ma maman avait finalement rendu l’âme à la maison », déclare la coiffeuse Carine G.
Un impact économique et social dévastateur
« Les embouteillages, causés par l’étroitesse et la dégradation très avancée de nos routes, nous ont contraint à passer des nuits entières à la belle étoile. Le chauffeur ne pouvant plus rouler, et par souci d’économiser son carburant, n’avait d’autre choix que d’éteindre son moteur. Ne pouvant pas nous séparer de nos marchandises achetées à coups de centaines de milliers, nous avons été victimes de piqûres d’insectes et pour finir les régimes de plantain et bananes avaient commencé à mûrir sur place, les oranges, prunes, pamplemousses, mandarines, ananas, avocats, etc. avaient pourri. Nous avions enregistré des pertes énormes, lesquelles ont entraîné la non-reprise des classes pour nos enfants », indique Cathérine M., Bayam sellam (revendeuse).
« Nous nous joignons à la violente lettre du patronat camerounais, dirigé par Célestin Tawamba. Il n’y a même pas un grain de mensonge dans tout ce qu’il avait mentionné. Cette situation, qui empêche même les sapeurs-pompiers d’intervenir à temps, non seulement plombe notre économie, mais décourage également les investisseurs à venir chez nous. Nous espérons donc que cette sortie du patronat, parmi tant d’autres, fera bouger les lignes, et ce, pour le bonheur de tous », conclut-elle.