
Le président Peter Mutharika a annoncé l’abolition des frais de scolarité pour l’enseignement primaire et secondaire dès janvier 2026. Cette mesure phare vise à lever les barrières économiques à l’éducation dans un pays où plus de 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté et où les disparités de genre dans l’accès à l’éducation restent préoccupantes.
Lors d’un déplacement dans le district de Thyolo où il assistait à un festival culturel annuel, le président du Malawi Peter Mutharika a annoncé une mesure qui pourrait transformer le paysage éducatif du pays : la gratuité totale de l’enseignement primaire et secondaire à partir de janvier 2026.
Cette décision intervient après sa victoire à l’élection présidentielle du 16 septembre, qui en fait le 7e président du Malawi. Mutharika a présenté l’éducation comme le pilier fondamental du développement national, soulignant la nécessité de garantir l’accès universel à l’éducation. Devant une assemblée venue en nombre, il a exhorté les parents et tuteurs à saisir cette opportunité : « Les parents n’auront désormais aucune excuse pour ne pas envoyer leurs enfants à l’école. Nous voulons que nos enfants soient éduqués car sans éducation, il ne peut y avoir de développement », a-t-il martelé.
Un enjeu crucial pour l’égalité des genres et le développement
La gratuité scolaire représente un enjeu particulièrement critique pour les filles malawites, qui font face à des obstacles multiples dans leur parcours éducatif. Au Malawi, seulement 45% des filles achèvent l’école primaire, et ce chiffre chute drastiquement à 9% pour le secondaire. Les frais de scolarité, même modestes, constituent souvent un obstacle insurmontable pour les familles pauvres qui, contraintes de faire des choix, privilégient traditionnellement l’éducation des garçons.
Les conséquences de cette disparité sont désastreuses pour le développement du pays. Les filles non scolarisées sont plus vulnérables aux mariages précoces, le Malawi affiche l’un des taux les plus élevés au monde avec 42% des filles mariées avant 18 ans. Elles sont également plus exposées aux grossesses adolescentes, qui perpétuent le cycle de la pauvreté. À l’inverse, chaque année supplémentaire de scolarisation d’une fille augmente ses revenus futurs de 10 à 20% et réduit la mortalité infantile de 5 à 10%.
L’éducation des filles a un effet multiplicateur sur le développement. Les femmes éduquées investissent jusqu’à 90% de leurs revenus dans leur famille et leur communauté, contre 30 à 35% pour les hommes. Elles sont plus susceptibles d’envoyer leurs propres enfants à l’école, créant ainsi un cercle vertueux de développement intergénérationnel. Au niveau national, l’augmentation du niveau d’éducation des femmes est directement corrélée à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté.
Des défis structurels à relever
Cependant, la gratuité seule ne suffira pas à résoudre tous les défis éducatifs du Malawi. Le pays fait face à une pénurie chronique d’enseignants qualifiés, avec un ratio élève-enseignant de 60:1 dans le primaire. Les infrastructures scolaires sont insuffisantes et souvent délabrées, particulièrement dans les zones rurales où vivent 85% de la population.
En outre, de nombreuses écoles manquent d’installations sanitaires adéquates, un facteur particulièrement dissuasif pour les adolescentes.
Les coûts indirects de la scolarisation, uniformes, matériel scolaire, transport, restent également des barrières importantes. Pour les filles, s’ajoutent les défis liés à la sécurité sur le chemin de l’école, au manque de produits d’hygiène menstruelle, et aux normes culturelles qui valorisent leur contribution aux tâches domestiques plutôt qu’à leur éducation.
L’éducation dans un contexte de crise alimentaire
Le président Mutharika a également abordé la crise alimentaire qui touche actuellement plus de 4 millions de Malawites, soit près d’un quart de la population. Il a assuré que la situation serait bientôt résolue, annonçant l’envoi du ministre de l’Agriculture en Zambie pour finaliser l’acquisition de 200 000 tonnes de maïs.
Cette crise alimentaire représente un défi supplémentaire pour la scolarisation. La faim chronique affecte la capacité d’apprentissage des enfants et pousse de nombreuses familles à retirer leurs enfants de l’école pour qu’ils contribuent aux activités agricoles ou génératrices de revenus. Les programmes d’alimentation scolaire, qui ont prouvé leur efficacité pour augmenter les taux de scolarisation et de rétention, particulièrement pour les filles, devront être renforcés parallèlement à la politique de gratuité.
La convergence de ces deux annonces, gratuité scolaire et réponse à la crise alimentaire, suggère une approche plus holistique du développement. Pour que la politique de gratuité scolaire porte ses fruits, elle devra s’accompagner d’investissements massifs dans les infrastructures éducatives, la formation des enseignants, et des programmes de soutien ciblés pour les populations les plus vulnérables, notamment les filles des zones rurales. Le succès de cette initiative sera déterminant pour l’avenir du Malawi et pourrait servir de modèle pour d’autres pays africains confrontés aux mêmes défis.