Burkina Faso: des jeunes filles en danger à l’heure de l’exode vers les villes


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Le responsable du village et d’autres habitants à Louta, dans le nord du Burkina Faso © Nancy Palus/IRIN

Dans la province de Sourou, dans le nord du Burkina Faso, émigrer pour chercher du travail est un phénomène habituel, mais de plus en plus de jeunes filles se joignent désormais à cet exode, selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’organisation non-gouvernementale Terre des Hommes (Tdh).

« Après tout, l’émigration est une méthode de survie », a dit à IRIN Herman Zoungrana, chargé du programme protection de Terre des Hommes (Tdh) au Burkina Faso. Il a dit que, traditionnellement, après la saison des récoltes, les gens remplissaient leurs greniers puis se préparaient à chercher du travail jusqu’à la prochaine saison des semailles.

« Mais avec des filles de plus en plus jeunes qui émigrent, le risque d’exploitation et de violence augmente », a-t-il dit. Des habitants ont dit à IRIN que souvent les parents encourageaient leurs enfants à émigrer – « parce qu’ici nous vivons dans la misère », a expliqué une femme.

Dans la région, les garçons et les hommes jeunes émigrent depuis longtemps pour du travail, disent les travailleurs sociaux. « Généralement, ils sont dans d’autres métiers comme la vente ambulante, les emplois quotidiens de manœuvres, le travail de jardinage », a dit M. Zoungrana. « Mais pour les filles ce qui est préoccupant, c’est qu’elles partent beaucoup, souvent très jeunes – 10 à 12 ans – et qu’elles effectuent des travaux domestiques comportant de graves risques d’exploitation, [y compris de violences sexuelles] ».

« Certaines parmi les filles les plus jeunes – sans instruction et parfois orphelines – gagnent environ 2 500 FCFA [soit 4,70 dollars] par mois comme domestique et souvent, elles ne sont pas bien nourries », a dit à IRIN Marie-Berthe Ouédraogo, chargée de programme protection de l’UNICEF-Burkina-Faso.

L’UNICEF et Tdh ont dit que les enfants étaient également la proie des trafiquants.

La pauvreté, une force motrice
Le responsable du village et d’autres habitants à Louta, dans le nord du Burkina Faso © Nancy Palus/IRIN
Tdh, qui a une équipe dans le département de Toéni, dans la province de Sourou, dit que les filles émigrent généralement vers la capitale Ouagadougou, vers Bobo-Dioulasso, la deuxième plus grande ville, ou vers des villes du Mali, à 50 kilomètres au nord. Une étude de Tdh datant de 2008 a montré que 400 filles avaient quitté le département de Toéni pour [aller dans] des villes entre octobre 2007 et janvier 2008.

La majorité de l’émigration est encore saisonnière, selon les travailleurs sociaux, et les gens rentrent souvent pour les semailles.

Dans le cadre de son travail pour promouvoir l’éducation et la protection de l’enfance, Tdh rencontre des villageois à Toéni pour parler des risques et des moyens d’améliorer les conditions [de vie] pour les enfants dans les zones rurales.

« C’est la pauvreté qui les fait partir », a dit à IRIN Sienou Moufou, un membre du conseil du village à Louta. « Il n’y a pas de travail au village, pour eux ou pour leurs parents ».

Savadogo Saydou Mahamady, un ancien représentant de Tdh qui a travaillé avec des villageois sur cette question, a dit : « Les parents [disent qu’ils] savent les dangers liés à ce phénomène mais disent ne pas avoir d’alternatives et pensent souvent ne pas avoir une emprise totale sur les enfants ».
Mme Ouédraogo de l’UNICEF a dit qu’une étude menée prés de la frontière du Mali avait montré que la pauvreté et le manque d’éducation étaient les raisons pour lesquelles les filles ne voyaient pas d’autre option que de chercher du travail comme domestiques chez des gens vivant en ville. Dans un récent rapport, Tdh a dit que dans les villages à Toéni, 72 pour cent des filles âgées de 7 à 14 ans n’étaient pas à l’école, en 2007. Plus de 95 pour cent des filles ne pouvaient ni lire ni écrire.

Dans certains cas, le statut est aussi une force motrice, a dit Mme Ouédraogo. Les familles veulent que leurs filles gagnent de l’argent pour qu’elles puissent avoir des vêtements particuliers et d’autres articles pour des cérémonies comme les mariages ou les baptêmes, a-t-elle dit.
Mais la plupart du temps les revenus supplémentaires relèvent de la survie, selon Ouona Dembélé, le responsable du village. « Il est difficile d’offrir des alternatives à l’émigration à ces jeunes filles, parce qu’il n’y a pratiquement rien ici [au village de Louta]. Si nous pouvions avoir n’importe quelles activités génératrices de revenus ici, aucune fille n’aurait à quitter le village pour la ville ».

De nombreux habitants de Louta disent que le manque d’eau a fortement entravé tout développement qui pourrait améliorer leurs conditions de vie.

Les villageois disent que si l’eau était plus accessible, pour commencer, la culture maraîchère pourrait prospérer et plus de jeunes gens pourraient y participer. Des travailleurs humanitaires au Burkina Faso ont dit à IRIN qu’ils devaient restreindre la culture maraîchère et d’autres projets d’aide à l’agriculture à cause du manque d’eau, un problème fréquent dans de nombreuses régions du pays.

Louta, où l’agriculture et le bétail constituent les principales activités économiques d’une population de 2 500 personnes, n’a pas de centre de santé ni d’équipement ou services pour la maternité.

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