La liberté de la presse en recul en Afrique : une alerte sérieuse pour la démocratie


Lecture 4 min.
Liberté de la presse
Liberté de la presse

En 2024, le constat est alarmant : la liberté de la presse recule de manière significative dans le monde entier. Le dernier classement mondial publié par Reporters sans frontières (RSF) montre une dégradation généralisée des conditions d’exercice du journalisme, avec une moitié des 180 pays évalués classés en rouge, soit en situation difficile ou très grave. L’Afrique, bien qu’elle compte quelques exemples encourageants, reste l’un des continents les plus touchés par cette régression, en raison de facteurs politiques, sécuritaires et économiques.

Des contextes politiques de plus en plus répressifs

Plusieurs régimes africains utilisent aujourd’hui la répression politique pour museler les voix critiques. En Érythrée, pays classé parmi les derniers au classement RSF, la presse indépendante est pratiquement inexistante. Tous les médias sont contrôlés par l’État, et les journalistes sont régulièrement arrêtés sans procès. Dawit Isaak, un journaliste d’origine érythréenne et suédoise, est emprisonné sans jugement depuis 2001. Son sort demeure incertain, dans l’un des cas les plus emblématiques de disparition forcée de journaliste en Afrique.

En Éthiopie, pays autrefois considéré comme en voie d’ouverture médiatique, la situation s’est considérablement dégradée depuis la reprise du conflit au Tigré en 2020. Le gouvernement d’Abiy Ahmed a restreint l’accès des médias étrangers et bloqué de nombreux sites d’information. Plusieurs journalistes locaux ont été emprisonnés pour avoir couvert des sujets sensibles liés à la guerre ou critiqué l’armée.

La sécurité, un obstacle majeur à l’information

Au Sahel, l’insécurité chronique et la présence de groupes djihadistes rendent extrêmement dangereux le travail des journalistes. Au Burkina Faso, par exemple, deux journalistes espagnols ont été assassinés en 2021 lors d’un reportage sur le braconnage. Depuis, la situation s’est encore détériorée : des médias sont fermés sous prétexte de lutte contre la désinformation, et le gouvernement militaire impose un contrôle strict sur la couverture médiatique des opérations militaires.

Au Mali, la junte militaire a suspendu les activités de France 24 et RFI, accusés de diffuser de fausses informations. Cette décision, bien que contestée par de nombreuses organisations internationales, est symptomatique d’un climat hostile à la liberté d’informer. De nombreux journalistes maliens préfèrent désormais s’autocensurer par crainte de représailles.

L’instrumentalisation des lois pour faire taire la presse

Dans plusieurs pays, les lois sur la cybersécurité ou la lutte contre les fausses nouvelles sont utilisées pour justifier la censure. En Ouganda, par exemple, le gouvernement a adopté en 2022 une loi controversée sur les crimes informatiques, qui permet de sanctionner les journalistes diffusant des informations considérées comme nuisibles à la sécurité publique. Des journalistes comme Norman Tumuhimbise ont été arrêtés après avoir critiqué le régime du Président Yoweri Museveni.

Au Rwanda, la surveillance étroite exercée par le régime de Paul Kagame empêche l’émergence d’une presse libre. Les journalistes y sont régulièrement harcelés, arrêtés, voire contraints à l’exil. La journaliste rwandaise Agnes Uwimana Nkusi a été emprisonnée à plusieurs reprises pour avoir publié des articles jugés diffamatoires envers le gouvernement.

Une lueur d’espoir dans certains pays

Malgré ce tableau sombre, certains pays africains continuent de défendre un espace médiatique relativement libre. Le Ghana, par exemple, reste l’un des rares pays à figurer dans la première moitié du classement RSF. Les médias y sont nombreux et diversifiés, même si des pressions subsistent.

En Afrique du Sud également, la presse joue un rôle de contre-pouvoir important, et les journalistes peuvent critiquer les autorités sans craindre de lourdes représailles, bien que les menaces en ligne et les agressions physiques existent.

La liberté de la presse, pilier de la démocratie

Le recul de la liberté de la presse en Afrique ne concerne pas uniquement les journalistes : il touche directement le droit des citoyens à être informés de manière fiable et indépendante. L’affaiblissement des médias fragilise les institutions démocratiques, alimente la désinformation et accroît le sentiment d’impunité des pouvoirs en place.

Face à cette régression, la mobilisation des ONG et de la société civile africaine s’intensifie, pour défendre le journalisme et garantir la transparence des gouvernements. Tous conscient que sans presse libre, il n’y a pas de démocratie durable.

Avatar photo
Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News