Sénégal : la presse monte au créneau face aux menaces sur la liberté d’expression


Lecture 3 min.
article de presse

Au Sénégal, un vent de révolte souffle dans les salles de rédaction. À quelques jours de la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai, une décision ministérielle jugée brutale et unilatérale secoue tout le paysage médiatique du pays. La Coordination des Associations de Presse (CAP), appuyée par plusieurs syndicats et organisations de défense des droits, dénonce une atteinte grave à la liberté d’expression.

Plus de 380 médias risquent en effet la fermeture. Le climat est tendu, la colère est palpable, et la riposte s’organise.

Une décision ministérielle qui fait l’effet d’une bombe

Le 22 avril 2025, le ministre sénégalais de la Communication, Alioune Sall, signe un arrêté qui exige l’arrêt immédiat des activités de tous les médias ne respectant pas les critères du Code de la presse. Sur les 639 médias ayant tenté de se conformer via la plateforme de Déclaration des Médias du Sénégal (DMS), seuls 258 ont été jugés conformes. Résultat : 381 organes de presse sont aujourd’hui sous la menace de sanctions, voire de fermeture pure et simple. Cette mesure, annoncée sans consultation préalable, a été perçue comme autoritaire et expéditive par les acteurs du secteur.

Des réactions en chaîne et une riposte judiciaire annoncée

Face à ce qu’il qualifie de « décision arbitraire », le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS) annonce son intention de saisir la justice. Son président, Mamadou Ibra Kane, critique ouvertement l’absence de dialogue avec les autorités. De son côté, le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (SYNPICS) rejette une méthode jugée incohérente. Il souligne que même les autorités ont admis des erreurs dans les listes de médias non conformes. En parallèle, l’organisation Article 19 réclame la suspension immédiate de la mesure. Elle considère que cette décision va à l’encontre des obligations internationales du Sénégal en matière de liberté d’expression.

Un climat inquiétant pour les journalistes

Au-delà des chiffres, un climat de méfiance et d’inquiétude s’installe. Il s’ancre durablement dans le paysage médiatique. En quelques semaines, plus de 20 responsables de médias ont reçu une convocation des services de sécurité. Dans le même temps, les autorités ont fermé la plateforme de déclaration des médias. La fermeture s’est faite sans aucun préavis. Elles ont également gelé le Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP). Ce fonds est pourtant essentiel pour de nombreux médias indépendants. Pour la CAP, ces mesures constituent un étouffement programmé de la presse sénégalaise, au mépris des principes démocratiques.

Un front uni pour défendre la liberté

La mobilisation ne faiblit pas. En réponse à la crise, la CAP lance un plan d’action, articulé autour de rencontres avec les institutions et d’un sit-in devant le ministère de la Communication. Signe d’un rare élan d’unité, journalistes, éditeurs, techniciens et défenseurs des droits s’unissent pour défendre la liberté d’informer. Longtemps salué pour la vitalité de sa presse en Afrique de l’Ouest, le Sénégal voit aujourd’hui son secteur médiatique confronté à une fragilisation croissante.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News