Centrafrique : inquiétante disparition de l’ex-ministre Armel Sayo


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Prison
Un homme en prison (illustration)

Introuvable depuis la mi-juillet, l’ex-ministre centrafricain Armel Sayo aurait été extrait de sa cellule sans explication. Tandis que le gouvernement parle de manipulation, sa famille, ses avocats et les défenseurs des droits humains exigent des preuves de vie.

Armel Mingatouloum Sayo, ancien chef rebelle et ex-ministre, arrêté en mai dernier à Bangui après son extradition du Cameroun, serait introuvable depuis plusieurs jours. Officiellement sous le contrôle des autorités, il aurait été extrait de sa cellule du camp militaire de Roux entre le 15 et le 17 juillet. Depuis, plus aucun signe de vie. Si le gouvernement tente de calmer les esprits, la famille, l’avocat et une partie de la population exigent des preuves concrètes. En toile de fond : accusations, images troublantes, et une opacité inquiétante.

Un silence d’État qui alimente les soupçons

Depuis son transfert en mai à la prison militaire du Camp De Roux, Armel Sayo était sous haute surveillance, accusé d’atteinte à la sûreté de l’État. Mais entre le 15 et le 17 juillet, il aurait été discrètement extrait de sa cellule. Officiellement, il aurait été transféré pour interrogatoire. Officieusement, sa famille et son avocat assurent n’avoir aucune nouvelle. Ils affirment d’ailleurs qu’on leur interdit tout contact avec lui, malgré leurs demandes répétées.

La tension est montée d’un cran après la diffusion d’images circulant sur les réseaux sociaux, montrant un homme allongé, ensanglanté, ressemblant fortement à Armel Sayo. Rapidement virales, ces vidéos ont semé la stupeur. Pour les autorités, il s’agit de « montages grossiers » générés par « l’intelligence artificielle ». Le porte-parole du gouvernement, Maxime Balalou, dénonce une manipulation orchestrée par « les ennemis de la nation ». Il assure que Sayo est en vie, suivi médicalement, et toujours sous le contrôle des forces de sécurité.

Mais sans preuve visuelle ni accès autorisé, ces déclarations n’ont fait qu’amplifier la méfiance. L’avocat du détenu lui-même a saisi le bâtonnier pour dénoncer l’impossibilité de rencontrer son client, qu’il n’a pas vu depuis plus d’un mois.

Une figure trouble, entre politique et rébellion

Le cas d’Armel Sayo ne laisse pas indifférent. Ancien chef du groupe armé RJ (Révolution et Justice), il avait brièvement intégré le gouvernement de transition en tant que ministre de la Jeunesse et des Sports, avant de reprendre la lutte armée. Sa trajectoire incarne les zones grises du paysage centrafricain, où les frontières entre rébellion, politique et négociations de paix sont poreuses.

Son arrestation en janvier dernier au Cameroun, suivie de son extradition vers Bangui, avait déjà suscité des débats sur la manière dont le pouvoir central traite ses anciens partenaires devenus dissidents. Aujourd’hui, son éventuelle disparition soulève une question plus grave : la transparence de l’appareil judiciaire et sécuritaire dans un contexte où la stabilité reste fragile.

Une affaire test pour l’État de droit en Centrafrique

Le traitement réservé à Armel Sayo devient peu à peu un test de crédibilité pour les autorités centrafricaines. En refusant l’accès à la famille et aux avocats, en évitant toute communication visuelle ou médicale officielle, le gouvernement s’expose à des accusations de disparition forcée. Un risque majeur pour un pays encore sous la surveillance étroite des partenaires internationaux, dont les bailleurs de fonds et les missions onusiennes.

La famille, soutenue par plusieurs organisations locales de défense des droits humains, réclame aujourd’hui une preuve de vie, un accès immédiat à l’ancien ministre et une clarification sur son lieu de détention. À Bangui, la rue bruisse de rumeurs, et la confiance dans les institutions s’érode à mesure que le silence s’épaissit.

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