
L’interpellation d’Armel Sayo au Cameroun début mai 2025 marque un tournant significatif dans l’histoire récente de la République centrafricaine. Ancien ministre, ex-chef du groupe Révolution et Justice (RJ) puis fondateur de la Coalition militaire de salut du peuple et de redressement (CMSPR), Sayo a parcouru un chemin sinueux entre rébellion, gouvernement et retour aux armes.
À 45 ans, Armel Sayo a été arrêté alors qu’il tentait de rejoindre la France en janvier derniçer. Transféré à Bangui, il fait désormais face à de graves accusations : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, rébellion et atteintes à la sûreté de l’État, selon les autorités centrafricaines.
Amnesty International souligne que si des poursuites ont été engagées dès février 2025 pour les actions récentes de la CMSPR, les violations commises entre 2013 et 2019 par le goupe RJ dans le nord-ouest du pays—région qu’il contrôlait alors—n’ont toujours pas été instruites.
L’un des épisodes les plus sombres attribués à RJ concerne les affrontements dans la région de Paoua entre décembre 2017 et février 2018. Les combats entre RJ et le Mouvement national pour la libération de la Centrafrique (MNLC) ont déclenché des attaques contre les populations civiles et l’incendie de nombreux villages, provoquant le déplacement d’environ 60 000 personnes. Malgré l’ampleur de cette tragédie, aucune enquête judiciaire approfondie n’a encore été menée.
Un système judiciaire en construction
La création de la Cour pénale spéciale (CPS), tribunal hybride intégrant des magistrats centrafricains et internationaux, représente une avancée notable dans la lutte contre l’impunité. Son premier verdict, rendu le 31 octobre 2022, a condamné trois membres du groupe 3R à des peines allant jusqu’à la prison à perpétuité pour un massacre perpétré en 2019. Cette décision a démontré la capacité de la CPS à juger des crimes internationaux.
Depuis, la cour a élargi son action avec de nouvelles procédures, comme l’arrestation en juin 2024 de l’ex-chef anti-balaka Edmond Beïna pour le massacre de Guen (72 morts en 2014). Cependant, la CPS fait face à d’importants défis : manque de moyens pour ses enquêteurs, protection insuffisante des témoins et difficultés à exécuter plusieurs mandats d’arrêt.
Les enjeux d’une justice équilibrée
Dans un contexte où l’impunité nourrit le cycle de la vengeance, l’instruction des crimes passés apparaît comme une nécessité pour restaurer la confiance des communautés. Le traitement équitable de toutes les affaires, qu’elles soient récentes ou plus anciennes, renforcerait le principe d’égalité devant la loi.
L’arrestation de Sayo représente une occasion de renforcer la lutte contre l’impunité au-delà des conflits actuels.