Khartoum dit toujours non au déploiement de l’Onu au Darfour


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Khartoum a opposé jeudi une fin de non recevoir au plan américano-britannique de déploiement de troupes de l’Onu au Darfour. Les autorités soudanaises mettent en avant l’accord de paix de mai dernier et assurent pouvoir régler la crise seules, en obtenant du temps pour envoyer leurs propres contingents sur place. Le Vice-président Ali Osmane Taha estime même que les forces de l’Union africaine vont bientôt « quitter la scène », au moment où les ONG dénoncent la dégradation de la situation.

Omar el Béchir a tout son temps. La communauté internationale aussi. Jeudi, Khartoum a de nouveau refusé de donner son feu vert à un plan américano-britannique prévoyant le déploiement de 17 000 soldats de l’Onu dans le Darfour. Cette force est censée remplacer et intégrer celle de l’Union africaine, sur le terrain depuis juin 2004. Forte de 7 000 hommes, l’Amis (Mission de l’Union africaine au Soudan, Amis) c’est à ce jour montrée incapable de pacifier la région, en raison de son manque d’effectif, de moyens matériels et financiers. Consciente de ses faiblesses et de la nécessité de ne pas perdre la face lors de la première opération militaire de son histoire, l’UA a donné son accord de principe à l’Onu.

Khartoum, qui accuse Américains et Britanniques de visées impérialistes et n’a cessé de gagner du temps devant les menaces de sanctions de l’Onu, refuse toujours tout déploiement de forces non africaines sur son territoire. « Les résolutions internationales se dirigent vers l’annonce de la mort du rôle de l’Union africaine (UA) et sa disparition de la scène » au Darfour, a même déclaré aux journalistes le Vice-président Ali Osmane Taha. Ajoutant qu’il « n’y a plus de place pour une intervention étrangère dans ce pays, après la signature de l’accord de paix ».

« Les parties se réarment pour recommencer les combats »

Le vice-président fait allusion à un accord signé entre la principale faction rebelle et le gouvernement soudanais, en mai dernier, qui n’a en rien mis fin aux violences. Au contraire, les rebelles signataires, appuyés par l’armée régulière, s’affrontent désormais avec les non signataires. John Prendergast, spécialiste du Soudan à l’International Crisis Group (ICG), estime même que c’était « l’objectif de Khartoum [d’] alimenter les conflits inter-communaux et les luttes inter-organisationnelles, parmi les rebelles, jusqu’à ce que chaos s’ensuive ». En fin de semaine dernière, deux soldats rwandais de l’UA ont été tués dans une embuscade, non loin d’El-Fasher. Huit travailleurs humanitaires ont été assassinés durant le mois de juillet et certaines ONG ont dû réduire leurs activités devant les risques encourus. Mercredi, l’International Rescue Comittee a sonné l’alarme devant l’augmentation des viols dans les camps de déplacés. L’ONG a recensé l’agression sexuelle de plus de 200 femmes, dans le plus grand d’entre eux, Kalma, contre de deux à quatre par mois auparavant. Ces dernières ont réclamé un plus grand soutien à l’UA.

En lieu et place du déploiement onusien, Omar el-Béchir a réclamé par courrier au Conseil de sécurité de l’Onu de lui accorder plus de temps. Il projette l’envoie sur place de 10 000 hommes. Ce qui est loin de rassurer les populations locales, terrorisées par l’armée régulière, qui appuie les milices Janjawid dans leurs exactions depuis le début de la guerre, en février 2003. Les combats et la crise humanitaire dans cette province ont fait entre 180 000 et 300 000 morts et près de 2,4 millions de déplacés sur une population de 7 millions.

« Le Darfour est sur le point de sombrer dans une dangereuse spirale de violences. Les parties se réarment et se repositionnent pour recommencer les combats », a assuré jeudi Jendayi Frazer, qui ne partage pas l’optimisme d’Ali Osman Taha. La secrétaire d’Etat adjoint pour les Affaires africaines doit se rendre vendredi à Khartoum pour remettre une lettre du Président Georges W. Bush au chef de l’Etat soudanais et insister sur la nécessité de mettre fin aux violences. « Nous devons mettre fin au génocide et protéger les populations du Darfour », a-t-elle déclaré lors d’un point de presse. Omar el-Béchir appréciera l’usage du terme « génocide », qu’il nie à l’ouest de son pays. Le Conseil de sécurité de l’Onu doit tenir lundi une réunion sur la situation au Darfour. En mars dernier, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a prolongé le mandat de sa mission jusqu’en septembre 2006.

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