
Le département de l’Artibonite, cœur agricole d’Haïti, s’enlise jour après jour dans une spirale de violence et de terreur. Jadis considéré comme un pôle de résistance et d’espoir pour la nation, il est aujourd’hui devenu le théâtre d’affrontements sanglants entre les forces de l’ordre et des groupes armés de plus en plus organisés, audacieux et impunis..
Le dimanche 21 juillet 2025, des bandits lourdement armés ont tendu une embuscade à un véhicule blindé de la Police nationale d’Haïti (PNH), en mission de patrouille dans la commune de Liancourt. À bord se trouvaient quatre policiers, surpris par une attaque soudaine et violente. Le porte-parole de la PNH, Lionel Lazarre, a confirmé que deux agents ont été tués dans l’assaut : Jean-Louis Daniel et Darius Daniel.
Plusieurs appels de détresse lancés
« Quatre policiers se trouvaient à bord d’un véhicule blindé en patrouille lorsqu’ils sont tombés dans une embuscade tendue par des bandits sur la route. Ces derniers, embusqués dans les parages, ont ouvert le feu sur le blindé », a précisé Lionel Lazarre.
Selon les premiers éléments d’enquête, les policiers pris au piège ont lancé plusieurs appels de détresse. En vain. Aucun renfort n’a pu arriver à temps pour leur porter secours. Une situation qui en dit long sur les difficultés logistiques, stratégiques et humaines de la PNH face à des gangs qui semblent avoir l’ascendant, en particulier dans certaines zones rurales du pays.
Un contrôle territorial grandissant
Cette attaque mortelle s’inscrit dans une dynamique d’expansion territoriale et l’enracinement des groupes armés dans le Bas-Artibonite. Des localités comme Liancourt, Petite-Rivière, Verrettes ou encore Estère sont devenues des foyers d’insécurité où les bandits dictent leur loi, rackettent la population, enlèvent, tuent, brûlent et occupent des postes stratégiques, parfois même sans être inquiétés.
Depuis plusieurs mois, l’Artibonite est en proie à une escalade de violences, dans un contexte de vide sécuritaire généralisé. Les bandes armées contrôlent les routes nationales, coupent les voies de communication entre les principales communes, et empêchent les populations de circuler librement. Des activités économiques ont été paralysées, des récoltes abandonnées, des écoles fermées. La terreur s’est installée comme une routine.
La population abandonnée à elle-même
À Liancourt, l’attaque contre les policiers n’a fait que renforcer le sentiment d’abandon que ressent la population. Après l’assaut, les autorités ont annoncé que la situation était « sous contrôle ». Mais sur le terrain, les habitants vivent dans la peur, suspendus à la moindre rumeur, au moindre bruit de bottes ou de balles. Les témoins évoquent un climat de panique permanent, aggravé par le silence apparent des autorités centrales et l’impuissance des institutions locales.
« Tout de suite après l’incident, le calme est revenu dans la zone. Le commissariat est désormais sous le contrôle des forces de l’ordre », a tenté de rassurer Lionel Lazarre. Mais ce calme est relatif. Il est moins le fruit d’un retour à l’ordre que celui d’une population contrainte à l’immobilisme, muselée par la peur. Les écoles peinent à rouvrir, les marchés fonctionnent au ralenti, et les citoyens se terrent chez eux dès la tombée de la nuit.
Une réponse sécuritaire en question
Plusieurs familles, surtout dans les zones rurales, ont déjà fui vers d’autres départements, devenant des déplacés internes dans leur propre pays. L’attaque de Liancourt relance le débat sur la capacité réelle de la police à rétablir l’ordre dans les zones dominées par les gangs. Malgré les opérations ponctuelles menées ici et là, les groupes armés continuent d’agir avec une coordination inquiétante, démontrant une connaissance fine du terrain, des tactiques militaires, et une capacité à défier ouvertement les forces de l’État.
Alors que la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dirigée par le Kenya, est attendue pour renforcer davantage la PNH dans sa lutte contre les gangs, la lenteur du déploiement et l’ampleur de la tâche suscitent déjà le scepticisme.