Gabon : Les têtes de la « Young Team » tombent, des milliards en jeu


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À Libreville, le procès de la « Young Team » s’est conclu par des peines d’une sévérité inédite, révélant l’ampleur des détournements opérés sous l’ère Bongo. De lourdes condamnations et des confiscations massives de biens marquent une rupture assumée dans la lutte contre la corruption.

Après un procès retentissant qui a tenu le Gabon en haleine, la Cour criminelle spécialisée a rendu son verdict dans l’affaire de la « Young Team ». Ce groupe de jeunes personnalités, autrefois proches de Noureddin Bongo Valentin et de l’ancienne Première Dame Sylvia Bongo Ondimba, a été lourdement sanctionné pour des délits financiers massifs.

Des peines de prison allant de vingt-six mois à quinze ans

Le verdict, prononcé à l’aube du 18 novembre 2025 après de longues heures de délibération, a confirmé la sévérité des réquisitions. Ian Ghislain Ngoulou, l’ancien chef de cabinet de Noureddin Bongo, a été reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation, dont le détournement de fonds publics et l’association de malfaiteurs. Il écope de la peine la plus lourde : quinze ans de prison ferme, dont cinq avec sursis.

La même sanction de quinze ans de prison, dont cinq avec sursis, a été infligée aux frères Mohamed Ali Saliou et Abdoul Oceni Ossa. Le premier, ancien directeur de cabinet adjoint d’Ali Bongo, a été reconnu coupable de détournement de fonds publics et de blanchiment de capitaux, tandis que le second était poursuivi pour recel de détournements.

D’autres figures de l’ancien régime ont également été condamnées à de la prison ferme :
Jessye Ella Ekogha, ex-porte-parole de la Présidence, à dix ans de réclusion. Kim Oun, collaborateur personnel de Sylvia Bongo, à cinq ans. Gabin Otha et Jordan Camuset écopent de trois ans de prison. Cyriaque Mvourandjiami et Gisèle Mombo ont été condamnés à vingt-six mois. Seul Steeve Nzegho Dieko a bénéficié d’une relaxe.

Une confiscation de biens d’une ampleur inédite

Au-delà des peines d’emprisonnement, la Cour a ordonné des sanctions financières et des confiscations de biens d’une ampleur inédite. Pour le procureur général Eddy Minang, qui avait qualifié cette affaire de « détournements massifs jamais orchestrés au Gabon », il s’agit d’une réparation morale et institutionnelle nécessaire.

Les principaux condamnés sont astreints à verser des sommes colossales en guise de réparations : Ian Ngoulou est condamné à verser un milliard de francs CFA (environ 1,5 million d’euros). Les frères Océni doivent s’acquitter de six milliards de francs CFA (environ 9,14 millions d’euros) en réparations.

L’intégralité des biens acquis de manière illicite par les principaux prévenus sera confisquée. Cette mesure vise notamment les immenses patrimoines et avoirs bancaires de Ian Ngoulou, ainsi que les propriétés et comptes des frères Océni. Les avoirs de Jessye Ella Ekogha sont également concernés.

Une « autopsie nationale » aux regrets tardifs

Le procès de la « Young Team » a été dépeint comme une « autopsie nationale » par le procureur, exposant au grand jour les mécanismes d’un « pacte corruptif » où chaque membre avait un rôle dans l’organisation des flux d’argent public. Le procès a permis de revenir longuement sur les mécaniques du pouvoir sous l’ère Bongo.

Avant la lecture du verdict, plusieurs prévenus ont formulé des regrets et demandé pardon au peuple gabonais. Un geste jugé insuffisant face à la gravité des faits.
Considérant ce moment comme « historique pour le Gabon », le président de la Cour a souligné la volonté de l’État de marquer un changement profond. Les avocats des condamnés ont d’ores et déjà annoncé qu’ils envisageaient de faire appel de ces décisions.

Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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