
Le Gabon entre dans une phase décisive de son histoire judiciaire avec l’ouverture, à Libreville, du procès de plusieurs figures clés de l’ancien régime Bongo. Cette procédure, inédite par son ampleur, symbolise la volonté du pouvoir actuel d’en finir avec des décennies de gouvernance opaque et d’impunité présumée. Deux importants protagonistes manquent à l’appel. Au-delà des prévenus, c’est la crédibilité d’une justice gabonaise et la promesse d’un nouvel ordre politique qui se jouent.
Ce lundi 10 novembre 2025 marque l’ouverture à Libreville d’un procès particulièrement symbolique visant l’ancienne « élite » du régime du président Ali Bongo Ondimba, renversé par un coup d’État le 30 août 2023. Parmi les principaux visés figurent son épouse, Sylvia Bongo Ondimba, son fils aîné, Noureddin Bongo Valentin, ainsi qu’une « Young Team » d’une dizaine de proches collaborateurs accusés d’avoir confisqué les leviers du pouvoir.
12 chefs d’accusation, absence des têtes d’affiche
La cour criminelle spéciale va examiner douze chefs : détournement de deniers publics, corruption active, blanchiment, faux et usage de faux, association de malfaiteurs, contrefaçon de sceaux de la République, usurpation de fonctions. Mais deux des accusés vedettes ne comparaîtront pas. Sylvia Bongo et Noureddin, qui résident désormais à Londres, ont décidé de ne pas se rendre à Libreville, dénonçant un « procès spectacle ».
Le procès s’inscrit dans un contexte de rupture nette : après plus de 55 ans de domination de la famille Bongo sur la vie politique gabonaise, l’arrivée au pouvoir du général Brice Clotaire Oligui Nguema s’accompagne d’une promesse forte de transparence et de reddition des comptes. Pour les autorités, ce dossier est un signal adressé à l’opinion publique : quels que soient les statuts, les acteurs doivent répondre de leurs actes. Ceci est d’autant plus attendu qu’il intervient dans un climat où la société civile réclame la fin des impunités.
Une justice « sans passe-droits »
Le fait que les principaux mis en cause ne soient pas présents pose une grave difficulté pour la crédibilité du procès : la défense accuse le régime d’instrumentaliser la justice de transition. Par ailleurs, des plaintes pour détention arbitraire et torture ont été déposées en France contre le régime gabonais concernant Sylvia et Noureddin : l’enquête a été ouverte à Paris début 2025. Le procureur gabonais, Eddy Minang, affirme toutefois que la justice se déroulera « sans passe-droits ». Le procès représente une étape pour l’établissement d’un État de droit plus mature, où personne n’est au-dessus des lois.
Les affaires visent des montants potentiels importants, et leur issue pourrait déterminer la façon dont les ressources publiques sont gérées à l’avenir. Le déroulement, sa transparence et l’impression d’équité seront scrutés tant au Gabon qu’à l’international. Une justice perçue comme « sélective » pourrait saper la confiance. Diplomatiques : Le contexte franco-gabonais est sensible : la nationalité française des deux absents et les procédures en France ajoutent une composante internationale à l’affaire. Le procès se tient du 10 au 14 novembre 2025, et les audiences devraient révéler des témoignages internes sur le fonctionnement du pouvoir Bongo et de la « Young Team ».





