
Le Président français, Emmanuel Macron, et son homologue sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, se retrouvent à l’Élysée, ce mercredi 27 août 2025, pour une rencontre diplomatique très attendue. Ce face-à-face entre les chefs d’État français et sénégalais ne se limite pas à une simple visite officielle : il s’inscrit dans un contexte de transformation profonde des relations franco-africaines, et plus particulièrement franco-sénégalaises.
Alors que la France a récemment mis fin à plus de soixante ans de présence militaire permanente au Sénégal, les deux pays cherchent désormais à poser les bases d’un partenariat rénové, débarrassé des relents postcoloniaux.
Un moment symbolique fort
La rencontre bilatérale entre le Président français, Emmanuel Macron, et son homologue sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, s’inscrit dans un climat de recomposition des alliances en Afrique de l’Ouest. Le Sénégal, jusqu’ici bastion traditionnel de l’influence française, a récemment tourné une page importante de son histoire : le 17 juillet 2025, le drapeau sénégalais flottait officiellement sur l’ancien camp militaire français de Geille à Dakar, marquant la fin d’une présence militaire française ininterrompue depuis l’indépendance.
Le départ des dernières troupes, acté de manière consensuelle, tranche avec les ruptures brutales observées ailleurs sur le continent, comme au Mali ou au Niger. Ce retrait, fruit d’un dialogue entamé dès 2022 mais accéléré sous l’impulsion du Président Faye élu en 2024, incarne une aspiration forte à la souveraineté nationale. Il marque également une volonté, de la part de Paris, d’ajuster sa posture en Afrique : moins militaire, plus politique et économique. La rencontre à Paris est donc symbolique à plus d’un titre : elle pourrait poser les jalons d’une relation assainie, sur un pied d’égalité.
Le passé, un dossier sensible
Parmi les points sensibles qui seront abordés à l’Élysée figure le dossier mémoriel du massacre de Thiaroye, survenu en 1944. Ce drame, au cours duquel plusieurs dizaines de tirailleurs sénégalais démobilisés ont été tués par l’armée française, reste un traumatisme national au Sénégal. Les autorités de Dakar réclament la déclassification complète des archives militaires et judiciaires liées à cet événement, ainsi qu’une reconnaissance du nombre réel de victimes.
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Ce sujet hautement symbolique, encore tabou il y a quelques années, pourrait devenir un test de sincérité pour la France, qui s’engage depuis peu dans un processus de reconnaissance de son passé colonial. Pour Bassirou Diomaye Faye, il s’agit autant d’un impératif historique que d’un geste de justice envers la mémoire collective sénégalaise. Au-delà des questions historiques, les enjeux économiques occupent une place centrale dans les discussions.
Une refondation économique à l’ordre du jour
En tête de liste, le contentieux autour de la dette liée au Train Express Régional (TER) entre Dakar et Diamniadio. L’entreprise française Eiffage réclame environ 150 millions d’euros, un différend qui cristallise les critiques récurrentes sur les projets d’infrastructure perçus comme mal adaptés ou surévalués. Pour le Sénégal, l’heure est à une réévaluation de ses partenariats économiques, avec l’ambition de passer à des accords fondés sur des besoins exprimés localement, dans les domaines clés du développement durable, de l’éducation, de la santé, ou encore de la souveraineté numérique.
Paris, conscient de la concurrence accrue de la Chine, de la Turquie ou des pays du Golfe, affiche sa volonté d’un partenariat « gagnant-gagnant » davantage aligné sur les priorités africaines. La fin de la présence militaire française ne signifie pas une rupture totale. Les deux pays souhaitent maintenir une coopération militaire ponctuelle, recentrée sur des domaines stratégiques comme la cybersécurité, la lutte contre la piraterie maritime, ou la formation à la demande.
Présence militaire redéfinie par des dirigeants en quête de nouvelle légitimité
La France entend ainsi réduire sa visibilité tout en conservant une capacité d’intervention indirecte, depuis d’autres bases en Afrique, comme Djibouti. Ce repositionnement stratégique répond à une opinion publique africaine de plus en plus critique à l’égard de la présence française, souvent perçue comme un prolongement d’un ordre néocolonial. En adaptant sa stratégie, Paris espère préserver son influence tout en évitant les tensions qui ont conduit à des ruptures ailleurs sur le continent.
Les profils d’Emmanuel Macron et de Bassirou Diomaye Faye offrent un contraste saisissant. D’un côté, un Président français confronté à un recul de son influence en Afrique et à une montée des critiques sur sa politique étrangère. De l’autre, un jeune dirigeant africain porté par une promesse de rupture, élu sur un programme de souveraineté et d’indépendance stratégique.
Transition maîtrisée vers un partenariat de souveraineté
Mais au-delà des divergences apparentes, les deux chefs d’État semblent partager une compréhension commune : l’ancien modèle de coopération est épuisé. Dès lors, il faut désormais composer avec une Afrique qui affirme sa voix, choisit ses partenaires, et exige du respect dans les échanges internationaux. Le cas sénégalais ne peut être dissocié d’un contexte régional plus vaste.
La recomposition des alliances, notamment après les ruptures militaires avec les pays du Sahel, annonce une reconfiguration profonde des relations entre l’Afrique de l’Ouest et ses partenaires extérieurs. Dans ce paysage mouvant, le Sénégal fait le choix d’un changement sans rupture, d’une transition maîtrisée vers un partenariat de souveraineté. Cette rencontre à l’Élysée pourrait donc faire date, à condition qu’elle débouche sur des engagements concrets et durables, au-delà des symboles.