
Après plusieurs années de tensions, les relations entre la France et le Maroc connaissent un net réchauffement. Longtemps marquées par une coopération étroite, les deux pays avaient vu leur entente fragilisée par des désaccords sur le Sahara occidental et la politique des visas. Mais depuis l’été 2024, des gestes forts, dont la reconnaissance par Paris du plan d’autonomie marocain, ont relancé le dialogue. Entre rapprochement stratégique et symboles diplomatiques, Rabat et Paris amorcent une nouvelle phase de leur partenariat.
Entre Rabat et Paris, les relations ont longtemps été marquées par une proximité stratégique, une interdépendance économique et des liens humains forts. Cependant, cette entente traditionnelle a connu, ces dernières années, une série de tensions qui ont refroidi les rapports entre les deux capitales. Si l’amitié franco-marocaine semblait inébranlable, elle a été durement mise à l’épreuve par des sujets hautement sensibles, notamment la question du Sahara occidental et la politique française des visas.
Un long hiver diplomatique
L’affaire du Sahara a constitué le principal point de friction. Le Maroc considère ce territoire comme partie intégrante de son unité nationale, tandis que la France, longtemps prudente, avait évité de prendre position officiellement. Ce flou diplomatique, interprété à Rabat comme un manque de soutien, a alimenté une frustration croissante. S’ajoutait à cela la décision unilatérale de la France, en 2021, de restreindre drastiquement le nombre de visas accordés aux ressortissants marocains, au motif d’un manque de coopération de Rabat dans la reconduite de ses ressortissants en situation irrégulière.
La réaction marocaine à ces décisions ne s’est pas fait attendre. Le royaume a gelé plusieurs canaux de coopération, retardé des nominations diplomatiques et freiné des projets conjoints. La presse marocaine, habituellement mesurée à l’égard de la France, s’est montrée particulièrement critique, allant jusqu’à dénoncer une « arrogance néocoloniale ». Du côté français, le silence embarrassé des autorités et l’absence de gestes politiques forts ont contribué à entretenir une situation de blocage.
Le tournant de l’été 2024
La tension s’est accentuée par la perception d’un désintérêt croissant de Paris pour ses partenariats au Maghreb au profit d’autres priorités stratégiques, notamment en Afrique subsaharienne ou dans le bassin indo-pacifique. Dans ce contexte, Rabat s’est tournée vers de nouveaux alliés, en particulier les États-Unis et Israël, tout en renforçant ses relations avec d’autres partenaires européens comme l’Espagne ou l’Allemagne, perçus comme plus réceptifs aux intérêts marocains.
La date du 30 juillet 2024 a marqué un tournant décisif dans cette crise. À l’occasion de la Fête du Trône, Emmanuel Macron a adressé une lettre officielle au roi Mohammed VI, exprimant clairement le soutien de la France au plan marocain d’autonomie pour le Sahara. Cette déclaration a été saluée comme un geste historique par Rabat, qui y a vu la reconnaissance tant attendue de ses positions fondamentales.
Vers une relance symbolique et stratégique
Selon plusieurs experts, cette prise de position était la « condition sine qua non » d’un rétablissement des relations. Elle a permis à la diplomatie marocaine de valider un retour à la normale sans donner l’impression de céder. Du côté français, cette évolution semble traduire une volonté de rattraper un retard diplomatique et de repositionner la France face aux mutations géopolitiques au Maghreb et au Sahel. Depuis cette reconnaissance, les signes de réchauffement se multiplient. Une visite d’État du roi Mohammed VI en France est annoncée pour fin 2025 ou début 2026.
Ce déplacement incarnerait l’aboutissement du processus de normalisation et le retour à un partenariat stratégique, rénové sur de nouvelles bases. D’autres initiatives viennent renforcer cette dynamique : réunion du comité conjoint franco-marocain prévue à l’automne, relance du groupe mixte sur la migration à Paris, déplacement attendu du ministre de l’Intérieur marocain, Abdelouafi Laftit, dans la capitale française. Autant de signaux indiquant une volonté partagée d’aller de l’avant, en s’appuyant sur des mécanismes de coopération modernisés.
Le poids des symboles dans la réconciliation
Parallèlement aux démarches politiques, les gestes symboliques ne manquent pas. L’invitation faite à Brigitte Macron de rejoindre le conseil d’administration de la Fondation du Théâtre royal de Rabat accentue cette volonté d’entrelacer les liens culturels au processus de rapprochement. L’apparition conjointe de la princesse Lalla Hasnaa et d’Emmanuel Macron lors d’un sommet sur l’océan témoigne également de la relance d’un dialogue au sommet.
L’annonce de l’ouverture d’un consulat français à Laâyoune, dans le Sahara occidental, constitue un geste particulièrement fort. Elle consolide sur le plan diplomatique la reconnaissance implicite de la souveraineté marocaine sur le territoire et s’inscrit dans une logique de rapprochement cohérent avec les attentes de Rabat.