
La crise diplomatique entre la France et l’Algérie s’aggrave après une série de décisions controversées. L’expulsion de diplomates français par Alger a provoqué une réaction disproportionnée de Paris, orchestrée par Bruno Retailleau, nouveau président des Républicains et ministre de l’Intérieur. Cette escalade menace désormais l’ensemble des relations bilatérales et pourrait coûter des milliards à l’économie française, tandis que les concurrents européens et asiatiques se positionnent déjà pour saisir les opportunités.
Depuis un mois, l’Algérie a procédé à l’expulsion de diplomates français. La raison invoquée était claire : ces représentants étaient arrivés sur le territoire algérien sans notification préalable ni accréditation officielle, en violation manifeste de la Convention de Vienne et des procédures consulaires internationales. Par cette décision, Alger a voulu envoyer un message fort, rappelant que les règles s’appliquent à tous, y compris à une ancienne puissance coloniale, et réaffirmant que la coopération ne peut se poursuivre qu’entre partenaires égaux.
Dans l’immédiat, les autorités algériennes ont activé le principe de réciprocité et gelé temporairement certains canaux sensibles, notamment dans les domaines de la sécurité et de la migration, attendant des explications formelles de la part de Paris.
La riposte française : une escalade préoccupante
Plutôt que d’apaiser les tensions, Paris a choisi d’envenimer la situation. Le 15 mai 2025, sans notification officielle préalable, le gouvernement français a décidé unilatéralement de mettre fin à l’exemption de visa accordée depuis 2013 aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens. Cette décision représente beaucoup plus qu’un simple durcissement consulaire aux yeux d’Alger. Elle constitue une violation d’un accord bilatéral signé, qui exigerait normalement une dénonciation formelle avant toute suspension. Plus grave encore dans la pratique diplomatique, la mesure a été divulguée par voie de presse avant même d’être communiquée officiellement aux autorités algériennes. Face à cette violation des usages, Alger a immédiatement protesté auprès du Quai d’Orsay, rappelant que c’est la France qui avait rompu la première les engagements de 2013.
Bruno Retailleau : entre calcul politique et réalités diplomatiques
Cette escalade porte la marque de Bruno Retailleau, qui vient tout juste de remporter la présidence des Républicains. En tant que ministre de l’Intérieur, il est l’artisan principal de la mesure sur les visas diplomatiques, une décision qu’il a prise alors même qu’il préparait sa conquête du parti LR. Sa stratégie, calibrée pour séduire un électorat sensible aux discours de fermeté migratoire, se heurte maintenant à trois réalités incontournables.
D’abord, un désaveu diplomatique évident : l’Élysée plaidait encore pour le dialogue après les contacts entre les présidents Tebboune et Macron d’avril 2025. Ensuite, un coût économique potentiellement désastreux : cette crispation menace 11,1 milliards d’euros d’échanges commerciaux et plus de 3 500 PME françaises installées en Algérie. Sans parler des investissements très importants de grands groupes comme TotalEnergie. Enfin, la colère grandissante au sein de la diaspora : 2,5 millions de Franco-Algériens vivent cette politique comme un retour à la défiance d’avant 1968.
Face à ces réalités, Retailleau n’a plus le choix. Soit il transforme sa posture en une véritable diplomatie de résultats, soit il expose la France à un isolement croissant dans une région où l’Italie, l’Espagne, la Chine et la Turquie multiplient déjà les partenariats stratégiques et économiques.
Les conséquences potentielles pour la France
Les risques pour la France dépassent largement le cadre strictement diplomatique. Dans le domaine énergétique, notamment concernant le gaz naturel liquéfié et l’hydrogène vert, Alger pourrait désormais accorder sa priorité à ENI (Italie) et Sinopec (Chine) si les tensions persistent. Pour les grandes infrastructures comme le ferroviaire, les tramways et les lignes électriques, des avantages concurrentiels pourraient être offerts à CAF (Espagne), Hitachi Rail (Japon) ou encore Hyundai (Corée) au détriment des entreprises françaises.
La coopération sécuritaire au Sahel, cruciale pour les intérêts français dans la région, risque également d’être affectée par une réduction des échanges de renseignements et un renforcement des formats de coopération entre Alger, Rome et Madrid. Sur le plan mémoriel et des relations avec la diaspora, cette crise pourrait provoquer une recrudescence des tensions identitaires et politiques en métropole, fragilisant encore davantage la cohésion sociale française.
Les propositions algériennes pour sortir de la crise
Face à cette situation, Alger propose plusieurs pistes pour revenir à un dialogue constructif, mais sur des bases d’égalité. Les autorités algériennes demandent tout d’abord de réintégrer immédiatement l’accord de 2013 sur les passeports diplomatiques ou, à défaut, de lancer une renégociation formelle et transparente. Elles souhaitent également une clarification des incidents concernant le statut des diplomates refoulés, afin d’éviter toute répétition de tels événements.
L’Algérie propose aussi de relancer la coopération migratoire sur la base de quotas négociés et de garanties de traitement digne pour les ressortissants des deux pays. Enfin, elle suggère de distinguer clairement les dossiers économiques des agendas partisans, dans l’objectif de protéger les entreprises et l’emploi des deux côtés de la Méditerranée.
En définitive, l’Algérie a simplement exigé le respect du droit international en faisant appliquer la Convention de Vienne. C’est la France, via une mesure consulaire improvisée et mal communiquée, qui a aggravé considérablement la crise. Maintenant que Bruno Retailleau préside Les Républicains tout en conservant ses fonctions ministérielles, Alger l’invite à passer des slogans électoraux à une diplomatie de responsabilité. L’enjeu est de taille : il s’agit de la crédibilité internationale de Paris.