Entretien avec Seydou Badian : « C’est la langue qui fonde notre identité »


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Le sang des masques (couverture du livre)
Le sang des masques (couverture du livre)

Le colloque international « Langues, culture et traduction », qui a été organisé par la faculté des lettres et des langues d’Alger, nous a fait découvrir un éminent spécialiste de la culture africaine de la lignée de Léopold S. Senghor. Il s’agit du Malien Seydou Badian, docteur en médecine.

Seydou Badian est né en 1928 à Bamako, il est décédé en 2018 dans la même ville. Il écrit son premier roman « Sous l’Orage » en 1954, ouvrage au programme dans toute l’Afrique subsaharienne. Aussi, il a occupé dans le gouvernement de Modibo Keita, plusieurs portefeuilles ministériels. Il a été délégué à la Présidence jusqu’au coup d’Etat de 1968. Il fut emprisonné 7 ans à la frontière algéro-malienne. En prison, il écrivit clandestinement « Dirigeants africains face à leurs peuples », un essai politique. Puis le « Sang des Masques » qui a fait l’objet d’une thèse de magistère de Mme Kazi-Tani, professeur à l’université d’Alger. Nous publions l’interview qu’il avait accordé à notre partenaire El Watan en 2001.

Quelle est votre impression sur le colloque d’Alger auquel vous avez assisté ?

Nous avons assisté à un excellent colloque. Il a permis aux participants de différents horizons de débattre d’une question qui leur tenait à coeur, celle de la langue. Pour la plupart, nous étions des dominés, des colonisés et la langue a été pour nous un facteur de libération. Par ces rencontres, nous continuons à la mettre en valeur.

Comment voyez-vous la relation langue-culture ?

La langue est certainement le pilier de la culture. Par la langue, nous avons ce que le passé nous a laissé comme message et ce que le présent compose pour nous. C’est la langue qui nous lie, et c’est elle qui fonde notre identité. Elle est un élément essentiel et sans la langue il n’y a pas de culture. La langue nous aide à tout interpréter.

Quels sont les thèmes que vous privilégiez dans vos écrits ?

J’ai toujours écrit pour la défense des valeurs culturelles. Nous avons hérité d’un passé, et nous sommes obligés de parfaire nos valeurs. Mon combat est pour le maintien des liens entre le présent, l’avenir et le passé, dans ce qu’il y a de meilleur. Je pense que l’assimilation n’est qu’une sorte d’appauvrissement, et les différences ne sont pas nécessairement les éléments qui doivent nous opposer, au contraire, elles doivent être des sources d’enrichissement pour chacun de nous. L’humanité est composée de diversités et chacun doit cultiver le meilleur de lui et c’est cette part qu’il doit proposer aux autres. C’est le fond même de mes écrits.

Quelle a été votre relation avec le regretté Frantz Fanon ?

J’ai connu Frantz Fanon en 1959, à Rome, au Congrès mondial des intellectuels noirs, il était là-bas sous l’identité du Dr Omar. En 1960, quand j’étais dans le gouvernement, il est venu au Mali avec M. Oussedik qui était à l’époque ambassadeur en Guinée, alors que Fanon était ambassadeur au Ghana ; là, nous avons vraiment renforcé nos relations.

Où en est la littérature africaine ?

Nous avons pris le relais après Senghor. La littérature africaine et celle de la diaspora se confondaient si bien que Senghor, Damas, Césaire cherchaient à s’affirmer quand ils étaient en Europe déjà. Nous avons dénoncé le colonialisme en grande partie dans ce que nous avons écrit selon notre vision et notre tempérament. Aujourd’hui, les jeunes s’attaquent aux régimes.

Avez-vous des attaches avec les littéraires maghrébins ?

J’ai eu deux camarades que j’ai malheureusement perdus, il s’agit de Rachid Mimouni et de Kheireddine du Maroc. Les deux ont été chacun dans sa forme des combattants et des militants de la plume. Je garde encore un excellent souvenir d’eux et de leurs oeuvres.

Par S. R. O de notre partenaire El Watan

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