Doualemn, l’influenceur sans pays : quand la diplomatie bloque l’expulsion


Lecture 3 min.
L'influenceur algérien Doualemn
L'influenceur algérien Doualemn

Après 90 jours passés dans le centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, l’influenceur algérien Doualemn, de son vrai nom Boualem Naman, a été libéré… mais pas tout à fait. Assigné à résidence en France, il demeure en situation irrégulière, incapable d’être expulsé vers l’Algérie. Le cas de Doualemn rest une réalité de plus en plus fréquente : l’impossibilité pour la France d’expulser certains ressortissants étrangers lorsque leur pays d’origine refuse de les reprendre.

Son avocat assure que son client respectera les conditions de son assignation, mais l’affaire est loin d’être close. Elle met au grand jour une faille juridique dans le système français d’éloignement, tout en mettant en avant les tensions diplomatiques entre Paris et Alger. Car derrière l’histoire d’un TikTokeur controversé se cache un véritable casse-tête d’État.

De la vidéo polémique à l’expulsion avortée

C’est en janvier que tout commence vraiment pour Doualemn. Connu pour ses vidéos provocantes sur TikTok, il est condamné à cinq mois de prison avec sursis après avoir publié un contenu jugé violent. Cette condamnation conduit les autorités françaises à enclencher une procédure d’expulsion. Le 29 janvier, il est renvoyé vers l’Algérie. Mais l’Algérie refuse de le reprendre. Ce refus, qui n’est pas rare dans les relations diplomatiques entre la France et certains pays du Maghreb, crée un précédent explosif. Doualemn est donc renvoyé… en France. Dès son retour, la préfecture le place de nouveau sous surveillance.

En mars, alors qu’il se trouve à Montpellier, Doualemn est de nouveau arrêté. Cette fois, les autorités françaises tentent à nouveau de valider son expulsion. Mais le dossier s’enlise dans les méandres administratifs et judiciaires. Doualemn tente de faire annuler sa procédure d’éloignement devant les tribunaux. En vain. Le problème est clair : sans laissez-passer consulaire délivré par Alger, l’expulsion est juridiquement impossible. Or, ce document ne peut être obtenu que si le pays d’origine coopère. L’Algérie s’y oppose, arguant d’une situation irrégulière mal documentée et peut-être aussi d’une volonté de ne pas céder à une pression française qui ressemble surtout à une opération de communication de Bruno Retailleau.

Quand la politique migratoire se heurte à la diplomatie

C’est ce blocage, à la fois juridique et diplomatique, qui conduit finalement à la libération du jeune homme après 90 jours, soit le maximum légal de rétention administrative en France. Doualemn n’est pas un cas isolé. Depuis plusieurs années, les relations entre la France et les pays du Maghreb, en particulier l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, se tendent sur la question des expulsions. En 2021, Gérald Darmanin, ministre français de l’Intérieur, avait annoncé une réduction drastique des visas pour ces pays en raison de leur refus de délivrer des laissez-passer consulaires, documents indispensables pour le retour de leurs ressortissants expulsés de France.

À titre d’exemple, plusieurs citoyens marocains condamnés pour des faits de délinquance ont vu leur expulsion bloquée en raison du refus du royaume chérifien de les reprendre. En 2022, un ressortissant marocain reconnu coupable de violences conjugales a été maintenu en France pendant plus de six mois après la fin de sa peine, faute de coopération consulaire. Même constat du côté tunisien : des ressortissants fichés S ou condamnés, mais en situation irrégulière, ne peuvent être éloignés si Tunis ne valide pas leur retour.

Avatar photo
Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News