Dimanche électoral à Brazza


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C’est sous une chaleur de plomb que les Congolais sont allés voter dimanche pour le premier tour des élections présidentielles. La ville, interdite aux voitures pour l’occasion, dévoile un nouveau visage plein de vie et de simplicité. Reportage.

De notre envoyé spécial à Brazzaville

9 heures du matin, Moungali, arrondissement 4, quartier 43, Brazzaville-centre. Le scrutin présidentiel est ouvert depuis peu. Dans les rues, aucune circulation. Tous les magasins sont fermés. Opération ville morte. Les voitures sont interdites. Les Brazzavillois vont tous à pieds. La capitale congolaise, transformée en immense zone piétonne, respire au rythme de ces pas. Il fait déjà chaud, même si la chaleur n’est pas encore accablante. Les quatre bureaux de vote du  » Plateau de 15 ans  » sont installés dans l’école du quartier. Devant, une petite foule d’électeurs se presse pour vérifier sur les listings s’ils sont effectivement dans le bon bureau de vote.

Carte d’électeur et pièce d’identité à la main, la file d’attente est relativement silencieuse. Des femmes drapées comme à l’ordinaire dans leur pagne multicolore, des claquettes aux pieds, des hommes vêtus de leurs habits de tous les jours, sont là. Un jour comme un autre pour choisir leur nouveau président. Le militaire, tranquillement assis à la porte du bureau de vote, n’a pas grand chose à faire pour veiller au grain.

Des isoloirs en carton

Les pupitres de la salle de classe ont tous été poussés au fond de la grande salle. Au tableau, on peut encore lire les dernières leçons de maths, de conjugaison et même la correction d’une petite dictée. A l’entrée, deux préposés, à leur bureau, contrôlent sur leurs grands fichiers papier le nom de chaque votant qui peut ensuite aller accomplir son devoir civique.

Les bulletins de chaque candidat -sept au total- ainsi que les petites enveloppes couleur saumon attendent sur une table. Une vieille femme, les cheveux coiffés du même tissu blanc que sa robe s’avance pour en prendre un de chaque puis se dirige vers l’isoloir situé dans un angle de la pièce. Un isoloir en épais carton blanc marqué République du Congo et frappé des valeurs fondamentales du pays :  » Unité, travail, progrès « .

Encrer le pouce pour éviter les fraudes

Le choix s’établit dans l’intimité. Restent alors six bulletins, déchirés ou froissés, qu’un grand bac vert, en guise de poubelle, se propose de recueillir. Puis nous y voilà enfin. L’urne. En plastique transparent, son couvercle bleu est muni d’une petite fente par laquelle il faut glisser son vote.

Dernière étape du circuit. Il ne reste plus à la vieille femme qu’à apposer sa signature en face de son nom sur le listing pour valider son vote et à faire tamponner sa carte d’électeur. Deux hommes en bras de chemise assis à leur pupitre s’attellent à la tache. Une fois la chose faite, l’un d’eux saisit la main de la femme pour lui poser son pouce droit sur le tampon encreur. Un système pour éviter les fraudes. L’encre, indélébile, est censée prouver que la personne a déjà été voter et l’empêche en cela d’aller se présenter dans un autre bureau de vote.

Les aigris du scrutin

Dehors les rues s’animent. Sous une chaleur désormais de plomb, les enfants ont investi la chaussée. Qui avec une pierre, qui un bout de tissu, ils improvisent des buts de foot pour entamer des matchs endiablés pieds nus sur le bitume. Les plus jeunes joueurs ont à peine six ans mais courent après la balle avec le même entrain que leurs aînés. La rue est à eux. Les adultes, privés de tout véhicule, sont de plus en plus nombreux à vaquer à leurs occupations, malgré la fermeture de tous les commerces.

Certains, pourtant animés au départ des meilleurs intentions, n’iront pas aux urnes aujourd’hui. Devant le bureau de vote, un quinquagénaire dans son costume fatigué gesticule. Son nom n’est pas sur les listes. On l’a envoyé ailleurs. Il ne sait pas exactement où, mais cet ailleurs pour lui sera nulle part. Très fâché, il s’en retourne chez lui sans demander son reste. Sur le terrain vague de l’école, de petits conciliabules regroupent les dépités du scrutin. Une femme se demande pourquoi son mari est sur la liste et pas elle. Une autre exprime tout son ressentiment à l’égard d’une élection qui ne semble pas vouloir de son vote. Les votants n’y prêtent qu’une oreille distraite, heureux sans doute de ne pas être dans le même cas.

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