
Au Nigeria, le bras de fer entre Aliko Dangote et le régulateur pétrolier franchit un seuil inédit avec de graves accusations de corruption. Le patron de la méga-raffinerie de Lekki accuse l’Autorité de régulation de favoriser les importations de carburant au détriment de la production nationale et réclame une enquête officielle contre son directeur.
Une guerre ouverte oppose Aliko Dangote, le PDG de la méga-raffinerie éponyme, à l’Autorité nigériane de régulation de l’aval pétrolier (NMDPRA). Le milliardaire nigérian accuse frontalement le régulateur de nuire délibérément à la production nationale en favorisant les importations de carburant. Point culminant de cette confrontation, Dangote a exigé l’ouverture d’une enquête officielle pour corruption visant Farouk Ahmed, le directeur de l’Autorité.
Des importations pour « contrecarrer le potentiel national »
Aliko Dangote, dont la raffinerie à Lekki est pourtant présentée comme l’élément clé pour mettre fin à la dépendance du Nigeria aux produits raffinés, dénonce une stratégie qui, selon lui, vise à « mettre en échec le potentiel national de raffinage ». L’industriel a déclaré que le maintien des importations de carburant ne fait que créer des emplois à l’étranger au détriment de l’industrialisation du Nigeria.
Le conflit porte sur l’approvisionnement du marché. Le mois dernier, l’Autorité de régulation avait demandé au Président Bola Tinubu de ne pas interdire les importations de produits raffinés, arguant que la raffinerie Dangote n’était pas en mesure de satisfaire la demande locale, avec une production estimée par le régulateur à seulement un tiers des besoins nationaux.
Dangote conteste vivement ces chiffres, affirmant que le régulateur minimise les capacités réelles de son site en se basant sur des statistiques de livraison plutôt que de production. La raffinerie, avec une capacité nominale de 650 000 barils par jour, a le potentiel de couvrir largement les besoins du Nigeria.
Accusations de corruption et d’intérêt personnel
Pour le PDG du groupe Dangote, le maintien des importations est lié à des intérêts personnels. Il a expressément appelé à l’ouverture d’une enquête officielle sur Farouk Ahmed, le directeur de l’Autorité, mettant en cause sa gestion et citant des allégations de dépenses privées qui excéderaient ses revenus légitimes. L’accusation sous-entend que le directeur aurait un intérêt personnel à perpétuer les coûteux achats de carburant à l’étranger. Sollicité, Farouk Ahmed n’a pas réagi dans l’immédiat à ces nouvelles allégations.
Le régulateur avait auparavant accusé la raffinerie de Dangote de chercher à obtenir un monopole sur le marché des carburants, ce qui justifierait, selon lui, le maintien des importations.
Le défi de l’approvisionnement en pétrole brut
Paradoxalement, la méga-raffinerie rencontre des obstacles à son plein régime. Aliko Dangote a reconnu un ralentissement de la production, notamment en raison de problèmes techniques sur son principal craqueur, actuellement en maintenance.
De plus, la direction de la raffinerie affirme ne pas pouvoir sécuriser l’approvisionnement nécessaire en pétrole brut, accusant le régulateur de ne pas appliquer une règle garantissant la priorité aux raffineurs locaux avant l’exportation. Dangote a même révélé que l’installation doit importer 100 millions de barils de brut par an, un volume appelé à doubler après l’expansion prévue, en raison des limites de l’offre domestique.
Malgré ces défis et ce conflit ouvert, Aliko Dangote a réaffirmé sa détermination à poursuivre l’agrandissement de son installation, qualifiant cet investissement de « trop important pour échouer ». Il a par ailleurs réitéré son intention d’introduire la société en bourse au Nigeria, avec l’ambition de verser des dividendes en dollars américains.





