Or du Mali : Bamako restitue les trois tonnes confisquées à Barrick Gold


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Lingots d'or
Des lingots d'or

Après onze mois d’un bras de fer sans précédent, un juge malien a ordonné la remise à la compagnie canadienne du métal précieux saisi en janvier dernier. Cette décision scelle la réconciliation entre la junte au pouvoir et le géant minier, au terme d’un conflit qui aura secoué tout le secteur extractif ouest-africain.

Le feuilleton touche à sa fin. Un magistrat malien a ordonné la restitution des trois tonnes d’or saisies il y a près d’un an sur le complexe Loulo-Gounkoto de Barrick Mining. Ce stock, dont la valeur avoisine désormais les 400 millions de dollars compte tenu de l’envolée des cours, dormait depuis janvier dans les coffres de la Banque Malienne de Solidarité, à Bamako. Il revient maintenant à l’entreprise canadienne d’organiser le rapatriement de ce trésor vers ses installations.

Hélicoptères militaires et mandat d’arrêt

L’affaire avait débuté de manière spectaculaire au cœur de l’hiver. Le 11 janvier 2025, des hélicoptères de l’armée de l’air malienne s’étaient posés sur le site minier pour emporter, en deux rotations, l’intégralité des réserves d’or du complexe. Une opération éclair exécutée sur ordre d’un juge d’instruction, dans le cadre d’un contentieux fiscal qui empoisonnait les relations entre Bamako et Toronto depuis plus de deux ans.

Un mois plus tôt, les autorités maliennes avaient émis un mandat d’arrêt contre le PDG de Barrick, Mark Bristow, pour des accusations de blanchiment d’argent. Quatre cadres de l’entreprise croupissent en prison depuis novembre 2024. Face à cette escalade, le géant canadien avait suspendu ses opérations, fermé ses bureaux de la capitale et engagé une procédure d’arbitrage international devant les instances de la Banque mondiale.

Le bras de fer illustrait la nouvelle doctrine des autorités de transition, arrivées au pouvoir par un coup d’État en 2020. Déterminée à capter une part accrue des richesses du sous-sol national, la junte avait imposé un nouveau code minier relevant notamment la participation étatique dans les projets extractifs de 20 à 35 %.

L’or représente à lui seul un quart du budget de ce pays sahélien, parmi les plus pauvres de la planète malgré son rang de troisième producteur africain du métal jaune.

Concessions réciproques

L’accord de règlement, annoncé fin novembre, repose sur des compromis de part et d’autre. Barrick a accepté de retirer sa plainte devant le tribunal d’arbitrage de la Banque mondiale et de signer le nouveau code minier de 2023. En échange, le Mali a abandonné toutes les poursuites, libéré les quatre employés incarcérés et restitué le contrôle opérationnel du site à l’entreprise canadienne. Le permis d’exploitation a par ailleurs été prolongé de dix ans.

Reste une inconnue de taille : l’avenir de Barrick au Mali. Certains analystes estiment que le groupe pourrait chercher à céder ses actifs maliens, échaudé par cette épreuve de force. Le complexe Loulo-Gounkoto, qui a produit 578 000 onces d’or en 2024, demeure pourtant l’une des mines les plus rentables du portefeuille canadien. La réconciliation scellée à Bamako sera-t-elle durable ? Les prochains mois le diront.

Idriss K. Sow Illustration d'après photo
Journaliste-essayiste mauritano-guinéen, il parcourt depuis une décennie les capitales et les villages d’Afrique pour chroniquer, en français, les réalités politiques, culturelles et sociales de l'Afrique
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