Crise diplomatique entre Nigeria et Burkina : Abuja intensifie les efforts pour libérer ses soldats et récupérer l’avion C-130


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Bola Tinubu, président en exercice du Nigeria
Bola Tinubu, président en exercice du Nigeria

Un incident aérien survenu au Burkina Faso a brusquement ravivé les tensions déjà vives entre Abuja et les régimes sahéliens. Depuis l’immobilisation d’un avion militaire nigérian et la rétention de son équipage, le Nigeria s’emploie à désamorcer la crise par une offensive diplomatique soutenue. Face aux accusations de violation d’espace aérien portées par Ouagadougou et ses alliés de l’AES, Abuja défend la thèse d’un atterrissage d’urgence. Cette confrontation alimentée par un contexte régional explosif pourrait peser lourd sur l’équilibre sécuritaire ouest-africain.

Le gouvernement fédéral du Nigeria a lancé une grande offensive diplomatique pour obtenir la libération de ses soldats et la restitution de l’avion militaire C-130 immobilisé depuis trois jours au Burkina Faso. L’appareil et ses onze occupants ont été interceptés par les autorités burkinabè, qui accusent l’armée nigériane d’avoir violé leur espace aérien sans autorisation préalable.

Négociations en cours entre Abuja et Ouagadougou

Mercredi, plusieurs sources militaires à Abuja ont confirmé que les soldats demeuraient retenus et que l’affaire était désormais prise en main par le ministère des Affaires étrangères. « Ils n’ont pas encore été libérés. Le ministère des Affaires étrangères s’en occupe. Nous espérons qu’ils seront libérés prochainement grâce à son intervention », a déclaré une source au sein des forces armées. Dans un communiqué, le porte-parole du ministère nigérian des Affaires étrangères, Kimiebi Ebienfa, a confirmé que l’ambassade du Nigeria à Ouagadougou avait entamé des pourparlers directs avec le gouvernement burkinabè.

« L’ambassade du Nigeria à Ouagadougou est en contact avec les autorités burkinabè afin d’obtenir leur libération », a déclaré le diplomate. Cette déclaration intervient après l’annonce du gouvernement militaire du Burkina Faso, qui affirme avoir contraint un avion C-130 nigérian à atterrir à Bobo-Dioulasso lundi, en raison d’une violation présumée de son espace aérien. Cependant, la version d’Abuja diverge nettement de celle avancée par l’Alliance des États du Sahel (AES), qui regroupe le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Nigeria : un déroutement d’urgence, pas une incursion

L’Armée de l’air nigériane a rapidement réagi en publiant un communiqué pour rassurer l’opinion publique. Selon le commodore Ehimen Ejodame, le personnel à bord a été accueilli « chaleureusement » par les autorités locales, contrairement aux accusations d’arrestation brutale évoquées par certains médias sahéliens. Le Nigeria explique que l’avion, engagé dans une mission de convoyage vers le Portugal, a détecté une anomalie technique peu après son décollage de Lagos, le 8 décembre 2025.

Conformément aux « protocoles internationaux de sécurité aéronautique », l’équipage a choisi de se dérouter vers la piste la plus proche, en l’occurrence Bobo-Dioulasso. Ejodame a précisé que des mesures étaient déjà en cours pour permettre au C-130 de poursuivre sa mission dès que l’appareil sera jugé apte à reprendre les airs. Abuja insiste : il n’y a eu aucune intention de violer l’espace aérien d’un pays voisin.

AES : une violation « délibérée » de la souveraineté aérienne

La réaction de l’Alliance des États du Sahel a été beaucoup plus virulente. Dans un communiqué diffusé sur la télévision publique des trois pays membres, l’AES a accusé le Nigeria d’avoir « délibérément » pénétré dans l’espace aérien burkinabè sans autorisation. Pour la confédération, cet acte constitue une « atteinte grave » à sa souveraineté. Les autorités sahéliennes affirment qu’aucune demande officielle de survol n’a été reçue. Une enquête interne aurait confirmé l’absence d’autorisation préalable, ce qui a conduit les systèmes de défense aérienne de l’AES à être placés en état d’alerte maximale.

Le ministre malien de la Sécurité a même dénoncé un acte « inamical », ajoutant que tout appareil militaire entrant sans autorisation pourrait désormais être « neutralisé ». Si l’affaire prend une ampleur régionale, c’est en raison d’un contexte géopolitique particulièrement inflammable. L’incident survient alors que le Nigeria vient de déployer des avions au Bénin à la demande de Porto-Novo, dans le cadre de la réponse de la CEDEAO à la tentative de putsch du 7 décembre 2025. Or, l’AES a quitté la CEDEAO au début de l’année 2025, dénonçant son alignement sur les positions « pro-occidentales » du Nigeria et de la Côte d’Ivoire. Les relations entre Abuja et les régimes militaires du Sahel s’étaient déjà fortement dégradées ces derniers mois.

Un incident qui ravive les tensions entre Abuja et l’AES

Dans un tel climat, l’arrivée imprévue d’un avion militaire nigérian sur le sol burkinabè ne pouvait qu’être interprétée comme une menace ou une manœuvre stratégique, plutôt que comme un simple incident technique. Les États membres de l’AES affirment de plus en plus leur autonomie militaire, renforçant leurs dispositifs antiaériens et durcissant leurs règles d’engagement. Leur objectif : contrôler pleinement leur espace aérien et limiter l’influence des puissances extérieures, y compris africaines.

De son côté, le Nigeria, première puissance militaire d’Afrique de l’Ouest, entend maintenir son rôle stratégique dans la région. Cette divergence de visions alimente les tensions et rend chaque incident potentiellement explosif. Actuellement, les soldats nigérians sont toujours retenus au Burkina Faso et les négociations se poursuivent. Abuja espère une résolution rapide afin d’éviter une escalade diplomatique aux conséquences régionales potentiellement graves.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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