
À Abidjan, la sentence est tombée le 21 octobre : trente-deux personnes ont été condamnées à trois ans de prison ferme pour « troubles à l’ordre public » et « attroupement sur la voie publique ». Selon le tribunal des flagrants délits, ces citoyens auraient participé à une manifestation interdite le 11 octobre, organisée à l’appel du Front commun, coalition rassemblant le PDCI et le PPA-CI.
Cette décision judiciaire intervient à quatre jours du premier tour de la présidentielle, dans un climat déjà marqué par la méfiance et les crispations entre le pouvoir et l’opposition.
Les accusés nient toute participation
Devant la barre, les quarante prévenus entendus ont tous nié avoir pris part à la marche. Plusieurs ont affirmé avoir été arrêtés alors qu’ils se rendaient à des rendez-vous personnels ou à des funérailles, à proximité du carrefour Saint-Jean de Cocody, point de départ prévu de la manifestation. « J’avais rendez-vous à Saint-Jean et, dès que je suis descendu de mon véhicule, j’ai été arrêté », a témoigné l’un d’eux. Pour le parquet cependant, les faits sont établis. Les prévenus auraient été interpellés en flagrant délit de participation à une marche illégale, dans un contexte de risque élevé de troubles à l’ordre public.
Une défense outrée : « C’est grotesque »
Les avocats de la défense dénoncent une décision « injuste » et « politiquement motivée ». Me Roselyne Serikpa, figure du collectif d’avocats, a affirmé que les forces de l’ordre avaient quadrillé les lieux dès le matin et qu’aucune marche n’avait eu lieu. Elle a qualifié les accusations d’infondées. Elle a aussitôt annoncé son intention de faire appel. Les défenseurs rappellent que les personnes arrêtées n’ont pas été appréhendées sur le parcours de la manifestation, mais simplement dans les environs, sans preuve d’une participation active.
Une répression qui s’intensifie à l’approche du scrutin
Ce verdict s’ajoute à une série de condamnations similaires : la semaine précédente, une cinquantaine d’autres personnes avaient écopé de la même peine. Au total, selon le ministère de l’Intérieur, plus de 700 individus ont été interpellés ces derniers jours dans tout le pays. Les autorités justifient ces arrestations par la nécessité de « protéger la stabilité nationale » et affirment que certaines actions étaient « assimilables à des actes de terrorisme ». Plus de 44 000 membres des forces de sécurité ont été mobilisés pour encadrer la période électorale.
Lire aussi : Côte d’Ivoire : l’opposition dans l’incertitude à l’approche de la présidentielle
L’opposition dénonce un climat répressif
Pour les partis d’opposition, cette vague d’arrestations traduit la volonté du pouvoir d’étouffer toute contestation. Le PDCI de Tidjane Thiam a fustigé « un cadre répressif visant à bâillonner l’opposition » et appelle à « un dialogue politique urgent et sincère ». Les militants contestent notamment l’exclusion de leurs dirigeants, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, de la course à la présidence, ainsi que la candidature à un quatrième mandat du président sortant, Alassane Ouattara. Plusieurs ONG locales et internationales ont également critiqué les interdictions systématiques de manifester, tandis que le gouvernement maintient que ces marches présentaient « un caractère subversif ».