Contrôles aux frontières : l’Europe franchit un cap avec le système EES


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Un Visa Schengen
Un Visa Schengen

À partir du 12 octobre, l’Union Européenne s’apprête à faire entrer le contrôle aux frontières dans une nouvelle ère. 29 pays de l’espace Schengen vont activer le système EES (Entry/Exit System), une plateforme numérique sophistiquée visant à renforcer la sécurité et à lutter plus efficacement contre les séjours illégaux.

Qu’est-ce que le système EES ?

Le système d’Entrée/Sortie (EES) est une base de données biométriques conçue pour enregistrer automatiquement les mouvements des voyageurs non-européens franchissant les frontières extérieures de l’espace Schengen. Ce mécanisme remplacera progressivement le traditionnel tampon manuel sur les passeports, une procédure jugée obsolète et peu fiable.

Dès l’entrée en vigueur du système, chaque arrivée ou départ d’un ressortissant extracommunautaire sera consignée électroniquement, avec enregistrement de données telles que les empreintes digitales, une photo du visage, la date et l’heure du passage, le type de document utilisé. L’objectif est double : faciliter le passage des voyageurs réguliers et identifier rapidement ceux qui dépassent la durée de séjour autorisée, soit 90 jours sur toute période de 180 jours.

Une réponse aux limites des anciens systèmes

Actuellement, le contrôle des durées de séjour repose en grande partie sur le tampon manuel des passeports, un système peu précis et facilement contournable. Selon Marko Voog, chef de projet à la police estonienne, l’EES « éliminera ces failles en automatisant les contrôles » et en offrant une meilleure traçabilité. Ce nouveau système s’inscrit dans la volonté européenne de moderniser la gestion des frontières, en suivant le modèle américain US-VISIT, opérationnel depuis 2004.

En effet, plusieurs États membres de l’UE dénoncent depuis des années la difficulté à identifier les voyageurs restés en situation irrégulière, faute d’outils adéquats. L’EES sera déployé dans 29 pays européens : les 25 membres de l’espace Schengen, ainsi que la Bulgarie, la Roumanie, Chypre et la Croatie. Tous appliqueront ce système aux voyageurs en provenance de pays tiers, qu’ils soient soumis ou non à une obligation de visa. Les citoyens de l’UE et les résidents de longue durée ne sont pas concernés par ce dispositif.

Un outil contre l’immigration illégale… mais pas seulement

Le dispositif EES s’inscrit dans un paquet plus large de réformes européennes en matière de gestion des frontières. Il précède notamment le lancement du système ETIAS (European Travel Information and Authorization System), prévu pour 2026. Ce dernier imposera aux voyageurs exemptés de visa – comme les Canadiens, Britanniques ou Japonais – d’obtenir une autorisation de voyage en ligne avant leur arrivée.

Avec ces deux outils, l’UE espère identifier plus rapidement les séjours irréguliers, lutter contre la fraude documentaire, prévenir les usurpations d’identité, faciliter les contrôles automatisés et les passages en libre-service. Ces dispositifs doivent aussi permettre un meilleur partage d’informations entre États membres et une collaboration renforcée entre les polices aux frontières.

Quels impacts pour les voyageurs ?

Depuis les attentats des années 2000, de nombreux pays renforcent leur surveillance des voyageurs. Les États-Unis ont été précurseurs, tout comme le Canada et l’Australie, qui disposent de systèmes de vérification automatisée à l’entrée de leur territoire. Mais ces innovations suscitent aussi des critiques. Des ONG de défense des droits humains s’inquiètent du stockage massif de données biométriques, perçu comme une atteinte potentielle à la vie privée. Des questions se posent également sur la protection de ces données et sur le risque de discrimination, notamment lors des contrôles.

Pour la majorité des touristes ou voyageurs d’affaires, le changement sera surtout technique. Le passage aux frontières pourrait devenir plus rapide grâce aux bornes automatisées. Les autorités promettent une expérience plus fluide, à condition que les systèmes soient correctement déployés et que les voyageurs soient informés des nouvelles procédures. Cependant, toute irrégularité, même involontaire, dans la durée de séjour pourrait désormais être immédiatement détectée. Le système EES entraînera donc une plus grande rigueur, et probablement un nombre plus élevé de refus d’entrée ou de sanctions pour dépassement.

Une Europe plus surveillée, mais aussi plus sécurisée ?

Avec le lancement du système EES, l’Union Européenne ambitionne de reprendre le contrôle de ses frontières extérieures, tout en facilitant le passage pour les voyageurs réguliers. Le chantier est ambitieux, mais il marque une étape logique dans une Europe confrontée à des défis migratoires, sécuritaires et technologiques d’envergure.

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