Victoire Ingabire emprisonnée : l’Europe face au test de ses valeurs démocratiques


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Victoire Ingabire Umuhoza
Victoire Ingabire Umuhoza

Arrêtée et emprisonnée au Rwanda depuis le 19 juin 2025, Victoire Ingabire, figure emblématique de l’opposition démocratique rwandaise, cristallise les enjeux de la diplomatie européenne en Afrique. Entre résolutions parlementaires et silence diplomatique, l’Union européenne est mise au défi de ses propres valeurs.

Oui, incontestablement, l’Union européenne peut sauver Victoire Ingabire. Il fut un temps où l’Europe était un grand promoteur de la liberté et de la démocratie. Avec d’excellents journalistes, des intellectuels et des hommes politiques, elle était à l’avant-garde pour dénoncer l’injustice et la répression des systèmes totalitaires partout dans le monde.

Les pays historiquement réputés pour la défense de la démocratie et de l’humanisme défendaient cette identité à bras-le-corps, inspirés de grandes et anciennes écoles de pensée politiques et philosophiques.

L’idée n’est pas de faire croire que tout était parfait, loin s’en faut, mais de mettre simplement en évidence une méthode de gouvernement – la démocratie – qui laisse le choix au peuple de décider de son destin politique.

La démocratie est une conquête fragile certes, mais dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Elle constitue un bien précieux qu’on doit réviser et entretenir régulièrement.

Aujourd’hui hélas, on assiste impuissamment à l’écrasement des figures démocratiques dans différents coins du monde par des dictateurs qui reconquièrent, au fil de l’eau, un champ libre presque abandonné.

Le cas de Victoire Ingabire en est une parfaite illustration. Cette figure de la démocratie et de la réconciliation rwandaise, très populaire, a été une nouvelle fois arrêtée, emprisonnée et torturée au Rwanda depuis le 19 juin 2025. C’est une véritable honte pour la démocratie.

Entre résolutions européennes et silences diplomatiques

Son arrestation est intervenue quelques mois après avoir été désignée lauréate du prix de la liberté 2024, décerné par Liberal International. Ce prix est attribué chaque année pour honorer une personnalité qui a contribué de manière exceptionnelle à la promotion des droits de l’homme et des libertés politiques.

Les organisations de défense des droits humains telles qu’Human Rights Watch et Amnesty International ont formellement condamné la détention arbitraire de Victoire Ingabire, plaidant pour sa libération immédiate.

De son côté, le Parlement européen a adopté une résolution, le 11 septembre 2025, demandant la libération immédiate et inconditionnelle de cette figure politique rwandaise. C’est un geste fort, mais qui ne le sera réellement que si les mesures préconisées sont mises en exécution en cas de non-libération de Mme Ingabire, scenario qui se profile fatalement.

La résolution demande aussi la libération d’autres prisonniers politiques de l’opposition rwandaise. Elle demande à la Commission européenne de revoir l’aide financière et les autres formes d’assistance, comme le programme « Justice et responsabilité », actuellement apportées aux institutions publiques rwandaises impliquées dans des détentions arbitraires, des actes de torture ou des procès inéquitables.

Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, dans une posture de suffisance, a déjà rejeté le contenu de la résolution dont il semblait se moquer.
La Francophonie reste muette, comme dans bien d’autres abus politiques rwandais. Pourtant, sa prise de position pour soutenir les femmes politiques courageuses, comme Mme Ingabire, la rendrait davantage crédible au regard de ses missions et ambitions. Évidemment, elle est dirigée aujourd’hui par une autre femme rwandaise pro-Kigali. Tout est dit !

La France interpellée, l’Europe à la croisée des chemins

La diplomatie française ne s’est pas encore ouvertement exprimée sur le sujet. Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a été alerté par l’Assemblée nationale par le biais d’une procédure parlementaire de « questions écrites » posées au gouvernement. La « question écrite portant n° 9329 », intitulée « Répression de l’opposition au Rwanda : situation de Victoire Ingabire Umuhoza », a été publiée au Journal officiel le 12 août 2025, page 7098.

Selon l’usage habituel, le ministre concerné devrait apporter une réponse à la question dans un délai de deux mois à partir de la publication, soit a priori avant le 12 octobre 2025.
Le positionnement récent de la France et d’autres grands pays européens sur la Palestine et sur d’autres enjeux de politique internationale redore l’image de l’Union européenne. De toute évidence, elle ne pourra regagner sa force et sa crédibilité qu’en observant la cohérence de ses valeurs et de ses principes.

Par rapport à l’Afrique, il est totalement impossible de rassurer avec une diplomatie ambivalente et contradictoire. Peut-on promouvoir la démocratie et soutenir en parallèle les politiques répressives des dictateurs ? Telle est la question fondamentale.

Pour conclure, Victoire Ingabire, emprisonnée à Kigali, a urgemment besoin du soutien formel de la France et de l’Union européenne pour sa libération. Comme dans bien d’autres situations préoccupantes qui embarrassent ce monde, il est grand temps de rompre le silence et d’agir.

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