Politique migratoire européenne : l’UE accélère les expulsions des Maghrébins


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Drapeau de l'Union Européenne
Drapeau de l'Union Européenne

À Strasbourg, les eurodéputés ont entériné un durcissement majeur des règles migratoires, révélateur d’un changement de philosophie au sein de l’Union européenne. Désormais, la priorité est donnée à la rapidité des procédures et à l’efficacité des retours, au détriment d’un examen long et individualisé des demandes d’asile. L’élargissement de la notion de « pays d’origine sûrs », notamment au Maghreb, et la possibilité de renvois vers des États tiers traduisent une volonté assumée de contrôle renforcé des flux migratoires.

Un nouveau cap vient d’être franchi à Strasbourg. Le Parlement européen a validé une orientation beaucoup plus restrictive de la politique migratoire, marquant une nette volonté d’accélérer les expulsions et de réduire drastiquement l’accès à l’asile pour certaines nationalités. Au cœur de ce tournant : l’élargissement de la liste européenne des « pays d’origine sûrs », désormais étendue à plusieurs pays du Maghreb, dont le Maroc. Cette classification transforme en profondeur la manière dont les demandes d’asile sont examinées et redéfinit l’équilibre entre protection des réfugiés et contrôle des frontières.

Le Maroc classé « pays sûr » : un impact immédiat

En inscrivant le Maroc sur cette liste, aux côtés notamment de la Tunisie et de l’Égypte, l’Union européenne considère que ses ressortissants ne sont, en principe, pas exposés à des persécutions systématiques. Conséquence directe : les demandes d’asile marocaines seront traitées selon des procédures accélérées, avec des délais raccourcis et un taux d’acceptation mécaniquement plus faible.

Pour les migrants concernés, la fenêtre juridique se referme. Les recours deviennent plus difficiles et les expulsions plus rapides, parfois en quelques semaines seulement. Pour Bruxelles, l’objectif est clair : désengorger les systèmes d’asile nationaux et envoyer un signal dissuasif aux candidats à l’exil. La réforme ne s’arrête pas là. Le texte adopté autorise également le renvoi de demandeurs d’asile vers des pays tiers avec lesquels ils n’ont aucun lien direct. Cette disposition, très critiquée à gauche, s’inspire de dispositifs déjà défendus par certains gouvernements, notamment en Italie.

Des expulsions vers des pays tiers désormais possibles

Ce mécanisme ouvre la porte à des accords avec des États extérieurs à l’UE pour accueillir des migrants déboutés, externalisant ainsi la gestion de l’asile. Pour ses opposants, il s’agit d’une rupture majeure avec le droit d’asile européen tel qu’il s’est construit depuis des décennies. Les Maghrébins ne sont pas les seuls concernés. Depuis plusieurs années, des ressortissants d’Afrique subsaharienne font déjà l’objet de politiques comparables. Des pays comme le Sénégal, le Ghana ou encore le Nigeria ont vu leurs taux de reconnaissance de l’asile chuter fortement dans plusieurs États membres.

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Parallèlement, l’UE a multiplié les accords de réadmission avec des pays africains, conditionnant parfois l’aide au développement ou les facilités de visas à une coopération accrue en matière de retours. En pratique, ces accords facilitent l’identification, la détention administrative et l’expulsion rapide des migrants africains en situation irrégulière. Ce durcissement s’inscrit dans un contexte politique tendu.

Une ligne dure portée par la droite européenne

Sous la pression des droites et des partis d’extrême droite, la question migratoire est devenue centrale dans de nombreux pays européens. La rhétorique d’une « pression migratoire incontrôlable » domine les débats, même si les chiffres officiels indiquent une baisse notable des entrées irrégulières ces derniers mois. Pour les défenseurs de cette ligne dure, ces mesures sont nécessaires pour préserver la cohésion sociale et la crédibilité des frontières européennes. Pour les ONG et une partie des eurodéputés, elles constituent au contraire une banalisation des expulsions et une remise en cause des valeurs fondatrices de l’Union.

Sauf retournement de situation, l’adoption finale de ce nouveau cadre législatif ne fait guère de doute. Les États membres disposent désormais d’un arsenal juridique renforcé pour accélérer les retours, en particulier vers l’Afrique du Nord et subsaharienne. A travers ce choix, l’Europe privilégie désormais la dissuasion et l’expulsion rapide à l’examen approfondi des parcours individuels. Une évolution qui redessine durablement le visage de la politique migratoire européenne.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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