
En pleine période des fêtes, un nouveau naufrage au large de Joal rappelle l’extrême dangerosité de la route atlantique vers les Canaries, devenue l’un des principaux couloirs migratoires entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe.
Un naufrage de plus sur une route mortelle
Une pirogue transportant près de 200 migrants a chaviré dans la nuit du 23 au 24 décembre au large de Ngazobil, faisant au moins douze morts sur la Petite Côte sénégalaise. Partie dans la nuit de lundi à mardi, vers 4 heures du matin des îles du Saloum, cette embarcation surchargée a sombré au large de Joal, avec à son bord des ressortissants étrangers ayant transité par la Gambie et en route vers les îles Canaries. Trente-et-une personnes ont pu être secourues, dont dix-huit femmes et un nourrisson de six mois, tous dans un état d’épuisement avancé.
Ce drame s’inscrit dans une série noire qui a fait de 2024 l’année la plus meurtrière jamais enregistrée sur cette route migratoire. Selon l’ONG espagnole tCaminando Fronteras, plus de 10 400 personnes ont péri ou disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne, soit une moyenne d’environ trente morts par jour, dont 1 538 enfants et adolescents. L’organisation qualifie désormais la route des Canaries de « la plus meurtrière au monde », tant par le nombre de victimes que par la dangerosité des conditions de traversée.
Une route déplacée mais toujours plus dangereuse
Les facteurs de risque sont multiples : pirogues précaires et surchargées, conditions météorologiques imprévisibles, manque d’eau et de nourriture, équipements de navigation rudimentaires. En période hivernale, des vagues dépassant régulièrement quatre mètres et des températures nocturnes tombant jusqu’à 6°C transforment la traversée en piège mortel, où l’hypothermie emporte souvent les passagers avant même le naufrage. Malgré les alertes répétées, les réseaux de passeurs continuent de prospérer sur cette économie de la détresse.
Face au renforcement de la surveillance sur les côtes sénégalaises, ces réseaux ont déplacé leurs activités vers des zones moins contrôlées, notamment la Mauritanie, devenue en 2024 le principal point de départ vers l’archipel espagnol. Les trafiquants exploitent sans scrupule le désespoir de candidats à l’exil, pour la plupart des jeunes fuyant le chômage, les conflits sahéliens ou les effets du changement climatique. Malgré les coopérations renforcées entre Dakar et Madrid qui ont permis une baisse de 91% des départs directs depuis le Sénégal, près de 47 000 migrants ont atteint les Canaries en 2024, un record historique.
Une enquête a été ouverte par les autorités sénégalaises pour identifier les organisateurs du voyage clandestin parti de Joal, tandis que, pour les familles endeuillées, la quête de l’eldorado européen se transforme une fois de plus en cauchemar.




