
Face à l’échéance présidentielle de mars 2026, l’opposition congolaise annonce la structuration officielle du Rassemblement des forces du changement (RFC). L’assemblée générale constitutive qui s’est tenue ce 14 septembre a permis l’élection de ses instances dirigeantes, renforçant son positionnement dans le paysage politique avant un scrutin particulièrement attendu.
À quelques mois de l’élection présidentielle prévue pour mars 2026, l’opposition congolaise fourbit ses armes. C’est ce que traduit l’assemblée générale du Rassemblement des forces du changement, ce dimanche.
Le RFC : genèse, composition et objectifs
Le RFC est une coalition née officiellement le 31 mai 2025, avec pour ambition de constituer une alternative crédible au régime en place lors de la Présidentielle de mars 2026. Elle regroupe actuellement huit à dix partis d’opposition, dont notamment, le Parti social-démocrate congolais (PSDC) dirigé par Clément Miérassa, le Rassemblement pour la démocratie et le développement (RDD) de Jean-Jacques Serge Yhomby Opango, le parti Les Souverainistes de Dave Mafoula.
Depuis sa présentation au public, le RFC se revendique comme un front unitaire, prônant « l’unité dans la diversité », la démocratie réelle, les libertés fondamentales, l’État de droit, des élections libres et honnêtes, la liberté d’expression et de la presse, l’indépendance de la justice.
De nouvelles instances dirigeantes
Lors de l’assemblée générale constitutive du 14 septembre, Clément Miérassa a été reconduit comme président du RFC. Son mandat semble porter à la fois une reconnaissance de son leadership initial — il dirigeait le RFC depuis son lancement — et une volonté de continuité. Il est secondé par Marcel Guitoukoulou du Congrès du peuple et Jean-Jacques Serge Yhomby Opango (RDD).
Clément Miérassa a lui-même souligné le poids de la mission : « difficile » mais « noble », compte tenu de l’état critique dans lequel se trouve, selon lui, le pays. Il parle d’une situation où seuls ceux qui ont « volé, détourné » continueraient à diriger, dénonçant par ailleurs la caution de participation présidentielle, fixée à 25 millions de FCFA (soit environ 32 000 euros), comme une barrière excluante.
Enjeux structurants : ce que cet acte représente
La mise en place des instances du RFC intervient à un moment crucial pour plusieurs raisons :
- Organisation et visibilité : jusqu’à présent, le RFC fonctionnait surtout de manière déclarative ; disposer d’une instance élue constitue un gage de structuration, de crédibilité, y compris pour mobiliser les militants, la diaspora, la société civile.
- Préparation de la Présidentielle : avec la Présidentielle de mars 2026 en ligne de mire, le RFC doit non seulement présenter des idées mais aussi des candidats, définir une stratégie, amplifier sa base électorale. Les échéances électorales législatives, sénatoriales, communales et locales viennent après, mais seront sensibles au momentum créé par la Présidentielle.
- Conditionnement du terrain électoral : plusieurs leaders du RFC soulignent la nécessité de réformes (fiche électorale, transparence, indépendance des organes électoraux, etc.). Les données actuelles suscitent méfiance : le processus de révision des listes électorales est en cours jusqu’au 30 octobre.
- Symbolique du coût de la caution : le montant de la caution, élevé, est vu comme un obstacle significatif pour les petits partis ou les candidats de l’opposition. Cela soulève des questions sur l’équité du jeu électoral dès les conditions d’accès.
Obstacles et défis : ce que le RFC doit surmonter
Malgré ces avancées, plusieurs défis sérieux pèsent sur les ambitions du RFC :
- Unité réelle vs divisions persistantes : l’opposition congolaise est notoire pour ses divisions, ses luttes d’ego, ses ruptures. Par ailleurs, des plateformes ou des alliances similaires ont été annoncées, certaines fondées sur la candidature unique, d’autres sur des stratégies différentes. Obtenir une adhésion large, maintenue dans le temps, risque d’être délicat.
- Confiance dans le processus électoral : de nombreux acteurs dénoncent le manque de transparence, les irrégularités des scrutins passés, les doutes sur le fichier électoral, sur l’indépendance des commissions, etc. Le refus du statu quo est clair, mais réussir une réforme crédible demandera des ressources, du soutien international ou de la société civile, et une pression durable.
- Capacité de mobilisation : le RFC doit transcender les cercles intellectuels et militants pour toucher les populations rurales et urbaines, persuader les citoyens que le changement est possible. Le scepticisme est fort après des années d’opposition souvent fragmentée ou inefficace. Les attentes restent élevées.
- Risque de répression ou de blocage institutionnel : dans de nombreux régimes africains à pouvoir fort, même une opposition unie peut se heurter à des obstacles administratifs, judiciaires, à des pressions de la part de l’État : limitations du droit de réunion, entraves médiatiques, voire des poursuites. Le climat politique au Congo-Brazzaville, où le parti au pouvoir (le Parti congolais du travail) dispose d’une influence très forte, n’est pas neutre.
Perspectives : quelles probabilités de succès ?
Évaluer les chances du RFC demande d’être prudent, car elles dépendront d’une combinaison de facteurs :
- Leadership et crédibilité : si Clément Miérassa, Jean-Jacques Serge Yhomby Opango et les autres dirigeants réussissent à maintenir leur unité, à montrer qu’ils ne sont pas dans des querelles internes, qu’ils tiennent parole sur les promesses de transparence, ils peuvent gagner en crédibilité.
- Capacité de créer un candidat unique : beaucoup d’opposants insistent sur cela — un seul candidat de l’opposition pourrait offrir une alternative plus forte face au candidat du pouvoir (probablement Denis Sassou N’Guesso). Mais sélectionner ce candidat, l’imposer aux autres membres sans générer de divisions, sera une épreuve.
- Réformes électorales : sans améliorations concrètes — recensement crédible, fichier électoral fiable, indépendance de la Commission électorale, garanties institutionnelles — les résultats resteront sujets à contestation, et cela peut miner le potentiel succès ou la reconnaissance internationale.
- Soutien populaire et médiatique : convaincre les électeurs, notamment ceux qui se sentent marginalisés ou désabusés, suppose une stratégie de communication convaincante, une présence forte sur le terrain, et probablement une mobilisation de la diaspora.
- Pressions externes et accompagnement international : organisations de la société civile, observateurs électoraux, bailleurs, partenaires extérieurs peuvent jouer un rôle en exigeant des conditions équitables, en signalant les dérives, et en encourageant la transparence. Si cet appui se manifeste de manière visible, cela peut peser sur le pouvoir en place.
Au total, la mise en place des instances dirigeantes du RFC constitue une avancée tangible dans le paysage politique de l’opposition congolaise. Elle marque une volonté de structuration, de responsabilité, et d’unité, devant un contexte électoral où les obstacles sont nombreux. Si le RFC veut vraiment peser en 2026, il lui faut aller au-delà des symboles : proposer un programme clair, inclure les populations dans son action, faire valoir la crédibilité des réformes électorales, et surtout préserver l’unité dans la durée.