Comment Tshisekedi voulait faire entrer Israël à l’Union Africaine


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Félix Tshisekedi
Le Président de la RDC, Félix Tshisekedi

Alors que l’Union Africaine a retiré, mi-février, son statut d’observateur à Israël, retour sur les mois qui ont suivi la décision du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki, d’octroyer un statut d’observateur à l’Etat hébreu.

Nous sommes en janvier 2022, à Kinshasa. Un dîner est organisé par le président congolais Félix Tshisekedi. Autour de la table, plusieurs consultants en communication, des hommes d’affaires et l’état-major du président de RDC. Parmi les invités, Lotfi Bel Hadj, en pleine tournée africaine pour tenter de convaincre les présidents du continent de s’intéresser à la souveraineté digitale. À l’époque, l’homme d’affaires franco-tunisien est omniprésent à Dakar, mais également à Brazzaville. Il traverse alors le fleuve Congo, invité par Félix Tshisekedi.

Au cours du repas, qui durera plusieurs heures, le sujet d’Israël arrive sur la table. Il faut dire qu’à cette époque, Félix Tshisekedi est encore, pour quelques semaines, président de l’Union Africaine. Entre Bel Hadj et Tshisekedi, le ton est cordial mais le sujet crispe tous les participants : « En acceptant qu’Israël obtienne un statut d’observateur au sein de l’UA, vous semez la graine de la discorde, résume le conseiller, cité par un des participants au dîner. Nous devons penser d’abord égoïstement en Africains ».

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Alors que Tshisekedi assure, en off, qu’il ne faut pas froisser Israël, Bel Hadj estime qu’il en va de la cohésion du continent de ne pas accéder à la demande de Moussa Faki. Nous sommes alors à l’apogée de la crise entre le Maroc et l’Algérie, et l’arrivée d’Israël dans l’organisation continentale représente, selon l’homme d’affaires, un point de crispation supplémentaire entre les deux pays. Il faut, dit-il, « surseoir à statuer » et « jouer la montre ».

Conseillé par Bel Hadj, Macky Sall, le futur ex-président sénégalais alors sur le point de prendre la présidence tournante de l’UA, aura lui aussi plusieurs échanges sur le sujet. Une source proche des deux hommes se souvient des propositions du Franco-Tunisien pour former un comité chargé de discuter du statut d’observateur d’Israël et pour repousser d’une année la décision d’intégrer l’État hébreu.

Dès son arrivée à la tête de l’Union Africaine, le 5 février 2022, alors que Félix Tshisekedi passe le flambeau à Macky Sall, le président sénégalais annonce la création d’un « comité » en charge d’étudier la question. Parmi les sept membres, trois font partie du « front du refus », les trois autres étant favorables à l’arrivée d’Israël au sein de l’UA. Le Sénégal, septième pays membre du comité, joue alors le rôle d’arbitre.

Deux ans plus tard, le dossier de l’accréditation d’Israël est clos : les offensives militaires d’Israël dans la bande de Gaza ont particulièrement irrité les membres de l’UA. Même Moussa Faki accuse l’État hébreu de vouloir « exterminer » les habitants de Gaza. L’Union Africaine a, en tout cas, évité de nombreux désaccords en interne en refusant de se précipiter et d’offrir, sur un plateau, le statut d’observateur tant attendu par Israël.

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