
Avec un effectif médical très en deçà des standards internationaux, le Cameroun fait face à un paradoxe préoccupant : alors que des milliers de médecins sont inscrits à l’Ordre, l’accès aux soins reste un luxe pour une grande partie de la population, notamment en milieu rural. Cette situation alimente interrogations, frustrations et témoignages poignants. Entre choix professionnels, insuffisances structurelles et politiques publiques contestées, la concentration des médecins dans les centres urbains met en lumière les failles d’un système de santé
Le tableau de l’Ordre national des médecins du Cameroun (Onmc) compte 7200 inscrits. Parmi lesquels 2100 médecins fonctionnaires. Selon les estimations de 2023/2024, loin des normes de l’Oms, avec un ratio d’environ un médecin pour 7000 habitants, le Cameroun fait vraiment face à une pénurie de médecins. On note pour le déplorer que malgré ce nombre très faible, les zones rurales en souffrent énormément. Pourquoi à défaut de s’exiler, les médecins camerounais préfèrent les villes ?
Pour Jaques K., infirmier retraité, « pour des raisons qui leur sont propres, certains médecins, jeunes ou âgés, s’ils ne s’exilent pas, préfèrent s’installer dans les grandes villes et aussi dans les périphéries. Comme motif de ce choix, ils présentent l’existence des infrastructures adéquates, des meilleurs équipements, du personnel spécialisé, l’afflux des patients, les meilleures conditions de vie, les salaires peu raisonnables,… ».
« Notre pays ne devrait pas connaître le manque du personnel dans quelque domaine que ce soit, car, chaque année, des centaines de jeunes médecins, comptables, informaticiens,.. sortent des moules. Où vont-ils ? Que font-ils après l’école ? », s’interroge l’entrepreneur Jean S.

Selon la matriarche Émilienne N., « lorsque tu es malade et que tu as la facilité de rencontrer un médecin, même cet espoir peut contribuer à votre guérison. Nous qui sommes dans l’arrière-pays, bien qu’il y ait peu/pas de centres de santé, lorsque tu as un malaise, tu peux facilement passer de vie à trépas, tout simplement parce qu’il n’y a pas de médecins. Cela est également observé même dans les centres de santé publics, qui sont censés avoir comme dirigeant, ne serait-ce qu’un médecin généraliste. Constat bien mené, on y voit le médecin une fois par semaine ou deux fois mois. Et ce jour-là, c’est les malades que vous voulez voir ? Seuls les chanceux peuvent être reçus. Dans le cas contraire, si vous avez les enfants nantis en ville, ils peuvent venir vous chercher, afin que vous preniez des soins appropriés. Une fois la guérison recouvrée, vous retournez au village ».
« Si dans toutes les zones rurales on avait facilement accès à l’énergie électrique et à l’internet, la digitalisation dans le domaine de la santé pourrait être une solution pour nos problèmes de santé et autres. Malheureusement, nous sommes les ventres mous de toutes les politiques de développement. A quoi servent donc nos élus locaux (conseillers municipaux, députés, sénateurs,… », conclut-elle.
« Je pointe un doigt accusateur au gouvernement, qui a une mauvaise politique de recrutement dans tous les secteurs d’activité. Alors qu’il y a un manque criard de médecins dans le pays, qu’est-ce que les jeunes médecins diplômés font dans le transport par moto, dans le petit commerce, dans la vente à la sauvette, dans les call-box, ou d’exercer leur métier de manière illégale ? Cette situation somme toute désolante favorise la fuite des cerveaux », s’insurge le mécanicien Jules T.
Il faut signaler qu’au cours des travaux de l’assemblée générale ordinaire de l’Ordre national des médecins du Cameroun, tenue le 18 décembre dernier à Douala, le Dr Rodolphe Fonkoua, président de cette organisation, a présenté les avancées majeures , parmi lesquelles : l’achèvement des procédures de digitalisation des services de l’Ordre, facilitant désormais les démarches administratives des médecins et améliorant la gestion interne ; l’adoption d’un manuel de procédures ainsi que la mise à jour du tableau de l’ordre , qui sont des indicateurs d’une gouvernance plus structurée et transparente.





