Cameroun : l’opposant historique Anicet Ekane meurt en détention à Yaoundé


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Par Serieminou — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=107204930
Par Serieminou — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=107204930

La mort en détention d’Anicet Ekane, figure historique de la gauche nationaliste camerounaise, soulève une onde de choc et de vives interrogations au Cameroun. Les alertes répétées sur la dégradation de son état de santé ravivent les accusations de négligence des autorités et poussent le ministère de la Défense à ouvrir une enquête.

La scène politique camerounaise est en deuil et en émoi. Anicet Ekane, figure de la gauche nationaliste et président du Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie (Manidem), est décédé dans la nuit du dimanche 30 novembre au lundi 1er décembre 2025 à l’âge de 74 ans. Il était détenu au Secrétariat d’État à la Défense (SED) à Yaoundé depuis son interpellation à Douala le 24 octobre dernier.

Une mort après des alertes sur son état de santé

Anicet Ekane avait été arrêté la veille de la proclamation officielle des résultats de l’élection présidentielle qui a reconduit Paul Biya pour un huitième mandat. Il faisait partie des responsables politiques interpellés après avoir publiquement soutenu la revendication de victoire de l’opposant Issa Tchiroma Bakary. Il était accusé de faits d’insurrection et de rébellion.

Le vice-président du Manidem, Valentin Dongmo, a révélé que l’état de santé de l’opposant s’était « dégradé » depuis son incarcération au SED. Les avocats et le parti avaient alerté à plusieurs reprises les autorités, réclamant en vain son transfèrement d’urgence vers un hôpital doté d’un plateau technique adéquat.

Le Manidem avait lancé une énième alerte la veille du décès, annonçant qu’il « tiendrait le régime de Yaoundé responsable des conséquences du refus de ce transfèrement ».

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Figure de l’héritage nationaliste

La disparition d’Anicet Ekane, qui a dédié près de cinquante ans de sa vie à la lutte politique, suscite une vive émotion au Cameroun. Né en 1951, il était considéré comme un héritier politique des héros nationalistes camerounais comme Ruben Um Nyobe et Ernest Ouandié.

Fondateur du Manidem en 1995, il fut l’un des leaders majeurs ayant poussé pour le retour au multipartisme au début des années 1990. Il avait d’ailleurs été arrêté et condamné par le tribunal militaire en 1990 pour activités subversives, avant d’être gracié. En 2025, il avait joué un rôle éminent dans l’élection présidentielle en apportant son soutien à Issa Tchiroma Bakary.

Une enquête ouverte par le ministère de la Défense

Face à l’ampleur des réactions et des hommages qui affluent sur les réseaux sociaux, le ministère camerounais de la Défense a réagi en annonçant qu’une enquête a été ouverte pour « établir avec précision les circonstances du décès ».

Le ministère a cependant tenu à préciser qu’Anicet Ekane était « pris en charge de manière appropriée par le corps médical militaire », en collaboration avec ses médecins personnels, et qu’il bénéficiait d’un « suivi complémentaire dans les formations hospitalières de la place », contredisant les alertes émises par le Manidem.

Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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