
Au Burkina Faso, le gouvernement a acté, le 16 juillet 2025, la dissolution de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), transférant ses attributions au ministère de l’Administration territoriale. Présentée comme une mesure de rationalisation budgétaire et de réforme institutionnelle, cette décision suscite toutefois des interrogations sur l’indépendance des futurs scrutins et la transparence du processus démocratique au Burkina Faso.
Le gouvernement burkinabè a posé un jalon dans la refondation de l’État avec l’adoption, mercredi 16 juillet 2025, en conseil des ministres, d’un décret entérinant la dissolution de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Cette mesure consacre le retour des attributions électorales au ministère de l’Administration territoriale, une pratique en vigueur avant la création de la CENI.
La CENI non adaptée aux nouvelles orientations du pays
Le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la mobilité, Émile Zerbo, a expliqué que cette décision s’inscrit dans la dynamique de réforme de l’État, visant à optimiser les dépenses publiques et à redéfinir les structures institutionnelles conformément à la Charte de la transition. Selon lui, la CENI, qui bénéficiait d’une subvention annuelle de près d’un demi-milliard de francs CFA (environ 888 099 dollars), n’était plus adaptée aux nouvelles orientations du pays.
« L’existence de cette structure s’avère en incohérence totale avec les dispositions de la Charte de la transition en plus d’être budgétivore », a déclaré le ministre Zerbo. Créée pour garantir l’indépendance et la transparence des processus électoraux, la CENI a longtemps été perçue comme une avancée démocratique au Burkina Faso. Elle avait pour mission d’organiser les élections présidentielles, législatives, municipales et référendaires, en toute impartialité.
Volonté de réformes en profondeur
Toutefois, au fil des ans, l’institution a été critiquée pour son manque d’efficacité, ses lourdeurs administratives et des soupçons de politisation. Le contexte politique actuel, une transition dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré depuis septembre 2022, a accéléré la volonté de réformes en profondeur. Dans ce cadre, le gouvernement a entrepris une série d’actions visant à redéfinir les institutions étatiques, à renforcer la souveraineté nationale et à rationaliser les dépenses publiques.
Le Burkina Faso n’est pas un cas isolé. D’autres pays africains ont récemment revu la structure et les attributions de leurs institutions électorales, souvent sous la pression de contextes politiques exceptionnels ou dans le cadre de réformes structurelles. Au Mali, par exemple, les autorités de transition ont engagé en 2021 une réforme majeure du système électoral, avec la création de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), remplaçant la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Nouvelle architecture institutionnelle
Cette nouvelle institution, bien que censée être autonome, reste fortement encadrée par l’État, ce qui traduit une volonté de recentraliser la gestion électorale. En Guinée, après le coup d’État de septembre 2021, la junte militaire a également promis une refondation de l’État, incluant la révision du système électoral. Les autorités guinéennes ont suspendu plusieurs organes existants, y compris la CENI, et instauré une période de transition sous leur contrôle, en attendant une restructuration complète des institutions démocratiques.
Au Tchad, le Conseil militaire de transition a supprimé en 2021 plusieurs structures héritées du régime précédent, notamment dans le domaine électoral. Des comités ad hoc ont été mis en place pour réfléchir à une nouvelle architecture institutionnelle. Ces exemples révèlent une tendance dans certains pays d’Afrique à centraliser à nouveau les fonctions électorales, souvent justifiée par le besoin de réforme, d’efficacité ou de sécurité, mais qui soulève aussi des inquiétudes sur la neutralité des processus électoraux à venir.
Rationalisation ou recentralisation autoritaire ?
La dissolution de la CENI au Burkina Faso pose inévitablement la question de l’équilibre entre efficacité administrative et indépendance des institutions. Si la justification budgétaire et la volonté de simplifier les structures de l’État sont légitimes, certains observateurs redoutent une recentralisation du pouvoir qui pourrait affaiblir la transparence des futurs scrutins.
Alors que le pays n’a pas encore fixé de date précise pour les prochaines élections générales, cette réforme pourrait avoir un impact considérable sur leur organisation. Depuis l’arrivée du capitaine Traoré, plusieurs réformes ont été engagées dans les domaines de la justice, de l’armée, de la gouvernance locale et de la lutte contre la corruption. La dissolution de la CENI s’inscrit dans cette logique de « rupture » avec le passé.