Blanchiment d’argent : un réseau transnational reliant le Maroc et la France mis à nu


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Un vaste réseau de blanchiment d’argent reliant l’Europe et le Maghreb vient d’être mis au jour. Il révèle l’ingéniosité et la portée transnationale de circuits financiers clandestins en pleine expansion. L’affaire fait ressortir l’implication présumée de Marocains établis à l’étranger, soupçonnés d’alimenter un dispositif sophistiqué permettant d’injecter des fonds illicites dans le système bancaire marocain. Grâce à des comptes ouverts au nom de personnes vulnérables, le réseau aurait acheminé d’importantes sommes issues d’activités souterraines, mobilisant plusieurs pays européens et suscitant une coopération judiciaire renforcée.

Une nouvelle affaire de blanchiment d’argent éclaire les ramifications que peuvent prendre les circuits financiers illicites opérant entre l’Europe et l’Afrique du Nord. Au cœur de cette enquête : des Marocains résidant à l’étranger, soupçonnés d’être les architectes d’un système de transferts occultes reliant la France, l’Italie, la Suisse et le Maroc. L’affaire, révélée par des sources bancaires marocaines, met en exergue un mécanisme où de simples employés, parfois précarisés, servaient malgré eux de prête-noms.

Opération structurée de blanchiment

Les premiers signaux d’alerte sont apparus dans plusieurs agences bancaires de Casablanca et Rabat. Les directeurs ont observé des mouvements atypiques sur des comptes appartenant à des particuliers dont la situation professionnelle ne correspondait pas aux flux financiers enregistrés. Les dépôts en espèces dépassant régulièrement les 50 000 dirhams ont incité les établissements bancaires à transmettre des déclarations de soupçon aux autorités compétentes. Très rapidement, la répétitivité et le volume des opérations ont laissé penser à une opération structurée de blanchiment.

L’enquête a révélé un système de « compensation » très prisé des réseaux criminels transnationaux : des sommes en euros étaient versées à des intermédiaires en Europe, qui réinjectaient ensuite l’équivalent en dirhams dans le circuit marocain. Ce procédé permettait aux initiateurs de dissimuler l’origine réelle des fonds tout en réduisant les risques liés au transport physique de liquidités. Parmi les figures identifiées par les enquêteurs figurent plusieurs Marocains établis à l’étranger, dont une entrepreneure installée en Suisse et un opérateur dans le secteur du tourisme en France.

Des relais en territoire marocain

Sur le sol marocain, le réseau s’appuyait sur des individus vulnérables : employés sans qualifications, travailleurs journaliers ou personnes issues de zones rurales. Souvent peu informés des enjeux juridiques, certains affirment avoir ouvert des comptes sur la base de promesses d’aides financières ou d’emplois fictifs. Le montant des transferts irréguliers, estimé pour le moment à plus de 13 millions de dirhams, pourrait s’avérer bien supérieur à mesure que l’enquête progresse.

Les autorités européennes, sollicitées dans le cadre de la coopération financière, ont confirmé que plusieurs noms apparus dans le dossier avaient déjà été associés à des affaires de trafic de stupéfiants ou à des activités de criminalité économique. Cette convergence d’informations renforce la thèse d’un réseau spécialisé, utilisant le Maroc comme plateforme de redistribution ou de dissimulation de fonds issus de l’économie souterraine.

Une problématique partagée à l’échelle africaine

Ce type de schéma n’est pas inédit sur le continent. Plusieurs pays africains ont récemment été confrontés à des réseaux impliquant leurs ressortissants à l’étranger dans des circuits de blanchiment multilatéraux. En Afrique de l’Ouest, des enquêtes menées au Nigeria, au Ghana ou encore en Côte d’Ivoire ont mis à la lumière du jour des mécanismes similaires : utilisation de comptes de tiers, dépôts en espèces suivis de transferts rapides vers l’étranger, ou encore recours à des systèmes informels de compensation.

Dans certains cas, des migrants installés en Europe ont été accusés d’alimenter, volontairement ou non, des circuits financiers servant à masquer les revenus issus de fraudes, de trafics ou d’arnaques transnationales. Au Maghreb également, des affaires impliquant des ressortissants tunisiens, algériens ou libyens ont fait surface ces dernières années, démontrant que la mobilité et la diaspora peuvent parfois être exploitées par des groupes criminels cherchant à brouiller les pistes

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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