Batteries électriques : comment la RDC veut devenir leader du marché


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Batterie électrique
Batterie électrique

Non content de posséder dans son sous-sol les plus grandes réserves de cobalt au monde, la RDC veut désormais transformer le minerai sur place et le valoriser localement dans de flambantes nouvelles usines de batteries électriques. Une ambition qui ne pourra faire l’impasse sur des pratiques minières plus durables, telles que celles promues par la Fair Cobalt Alliance à laquelle adhèrent plusieurs géants du secteur, comme le chinois CMOC, qui exploite l’un des principaux sites congolais.

Et si le futur de la transition énergétique mondiale se décidait, en ce moment-même, à… Kinshasa ? Le raccourci est, certes, un peu osé, mais à la mesure du programme présenté par les organisateurs du Forum RDC-Afrique sur les métaux de batteries, qui se tient en ce moment en plein cœur de la capitale de la République Démocratique du Congo (RDC). Le pays d’Afrique Centrale, dont les sous-sols abritent plus de la moitié des réserves de cobalt au monde, s’est, en effet, hissé, au cours des dernières années, au rang de plaque tournante stratégique pour l’industrie des batteries électriques – et, par ricochet, pour tous les secteurs dont les produits reposent sur des composants utilisant du cobalt, des géants californiens des nouvelles technologies (Apple, Google, etc.) aux constructeurs de véhicules électriques (Tesla, etc.).

Du minerai aux batteries, la RDC veut intégrer localement la production de cobalt

Première productrice de cobalt au monde, la RDC fournit aujourd’hui plus de 70% de l’offre mondiale de ce précieux minerai, dont la production globale devrait plus que doubler, d’ici 2030, pour atteindre 388 000 tonnes par an. Autrement dit, la RDC possède les plus importantes réserves d’un minerai indispensable à la transition énergétique ; elle les exploite – ou, plus exactement, les fait exploiter par des groupes spécialisés, majoritairement chinois. Ne lui restait donc plus qu’à transformer sur place le cobalt et produire, elle-même, les fameuses batteries : c’est chose faite, avec l’ouverture, en décembre dernier, de la première usine de batteries électriques congolaise « à bas coût », implantée dans la région du Haut-Katanga, où se trouvent d’ores et déjà certains des plus gros sites d’extraction de cobalt au monde.

C’est que le pays a des atouts, autres que la richesse de son sous-sol, à faire valoir. Alors qu’une seule usine de batteries électriques nécessite des investissements qui peuvent dépasser les 100 millions de dollars en Europe ou aux Etats-Unis, la même usine coûte deux à trois fois moins cher en RDC, d’après son Président, Félix Tshisekedi. Reprenant les estimations de l’agence Bloomberg, le chef d’État a ainsi affirmé, lors d’un précédent sommet consacré au sujet, que « la RDC est la destination la plus compétitive au monde pour installer des usines de fabrication de batteries » électriques. Le Forum des 20 et 21 septembre tombe donc à pic et s’inscrit dans une puissante dynamique d’intégration régionale de la chaîne de valeur.

Son programme est, à ce titre, éloquent. Axé tant sur la valorisation du secteur minier que sur la  transformation locale des minerais, l’évènement devrait également accorder une large place aux problématiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), qui font l’objet de critiques récurrentes de la part des ONG et de la société civile – l’exploitation du cobalt demeure, en effet, une activité très impactante sur son environnement direct, tout en générant, dans les régions congolaises concernées, des mouvements de population et des tensions sociales. Enfin, le Forum de Kinshasa devrait assumer son rôle de vitrine pour des investisseurs étrangers qui, à l’image du chinois CMOC (cobalt) ou de l’australien AVZ Mineral (lithium), demeurent les seuls à disposer de la taille critique pour creuser et exploiter, en toute sécurité, les gigantesques mines de RDC.

Les acteurs du secteur minier s’engagent pour un cobalt responsable

Problème : les « creuseurs » attirés, dans le Sud du pays, par les mirages d’une vie meilleure, ne l’entendent pas de cette oreille. Par dizaines de milliers, ces mineurs artisanaux s’introduisent par effraction sur les sites d’exploitation des géants du secteur, ou travaillent dans des conditions indignes sur des sites de fortune. Les heurts entre mineurs illégaux et forces de l’ordre ou de sécurité sont quotidiens, les accidents aussi, les décès plus rares mais réguliers. Des milliers d’enfants tenteraient de survivre dans cette situation chaotique, leur petite taille faisant d’eux des forçats idéaux pour se faufiler dans les boyaux artisanaux, mais aussi des victimes toutes désignées pour les réseaux en tout genre. Régulièrement et à juste titre dénoncées, ces pratiques et leurs dérives n’en contribuent pas moins à produire jusqu’à 20% du cobalt extrait des sous-sols congolais. Y mettre un terme est impératif mais ne se fera, en tout état de cause, pas du jour au lendemain.

Conscients de la problématique comme du regard que porte sur eux le monde entier, les acteurs du secteur semblent décidés à changer les choses. En témoigne le rapprochement du Forum de Kinshasa avec la Fair Cobalt Alliance (FCA), une initiative qui ambitionne de garantir que l’industrie des métaux de batterie en RDC soit fondée sur des pratiques minières durables. Le groupe CMOC, qui devrait devenir le premier producteur mondial de cobalt en dépassant, d’ici à la fin de l’année, son concurrent suisse Glencore, est membre de la FCA et s’attache, sur son site congolais de Tenke Fungurume (TFM), à améliorer l’impact de ses activités sur l’environnement et les communautés locales. A l’issue du Forum, la FCA organisera d’ailleurs une visite de plusieurs jours des sites miniers exploités à Kolwezi par la Sicomines, la joint-venture congolaise en charge de la valorisation des ressources minières du pays : l’occasion, pour les participants, de constater que les pratiques minières durables se déploient, enfin, en RDC.

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