
Quelques semaines après son investiture à la tête de la transition gabonaise, le général Brice Clotaire Oligui Nguema engage un virage budgétaire majeur. Réuni en Conseil des ministres ce 20 juin 2025, son gouvernement a adopté une série de mesures rigoureuses visant à réduire drastiquement le train de vie de l’État. Objectif : assainir les finances publiques, restaurer la crédibilité de l’État et rompre avec les excès de l’ancien régime.
Désormais bien installé dans le fauteuil présidentiel, le général Brice Clotaire Oligui Nguema entend imprimer sa marque au Gabon. Et cela passe d’abord par des mesures d’austérité visant à réduire le train de vie de l’État.
Un héritage lourd et un État hypertrophié
Ces mesures interviennent dans un contexte où les critiques sur la mauvaise gestion des ressources nationales et la corruption chronique ont longtemps miné la confiance des citoyens envers les institutions. Héritier d’un système gangrené par les détournements, les faveurs fiscales injustifiées et l’opacité budgétaire, le Président Oligui Nguema se pose en réformateur déterminé à « tordre le cou à la gabegie », selon l’expression utilisée par un proche conseiller.
Le Gabon, pays pétrolier à la richesse théorique élevée (PIB par habitant estimé à quelque 8 000 dollars en 2025), est paradoxalement confronté à des inégalités criantes, à un chômage massif et à une dépendance aux importations pour les produits de base. Des ressources naturelles considérables (pétrole, manganèse, bois) coexistent avec une administration pléthorique et inefficace, accusée de dilapider les ressources au profit d’une élite restreinte.
Les symboles du changement : voyages, effectifs, liquidités
Parmi les annonces phares figurent :
- La suppression des voyages en première classe pour les hauts cadres : désormais réservés aux seuls ministres d’État, les déplacements officiels se feront en classe économique, un symbole fort pour une administration longtemps adepte du luxe.
- La fin du paiement en espèces des frais de mission, jugé propice aux détournements et à l’opacité.
- La réduction des effectifs dans les cabinets ministériels, souvent perçus comme des outils de clientélisme politique, particulièrement à la vice-présidence.
Ces mesures ont pour vocation de briser un cercle vicieux : une bureaucratie trop coûteuse qui mobilise une part excessive des dépenses publiques, au détriment de l’investissement productif ou des services sociaux de base.
Audit fiscal et moratoire sur les exonérations
L’annonce de la suspension temporaire des exonérations fiscales pendant trois mois, accompagnée d’un audit de leur pertinence, constitue une autre décision stratégique. En trois ans, l’État aurait perdu plus de 1 000 milliards de FCFA (soit environ 1,5 milliard d’euros), selon les données gouvernementales, en raison de régimes fiscaux préférentiels mal encadrés, souvent accordés de manière opaque.
Si cette suspension pourrait susciter des tensions avec certaines entreprises, elle vise aussi à rétablir une forme d’équité fiscale et à renforcer les capacités de mobilisation des ressources intérieures dans un pays encore trop dépendant des recettes pétrolières.
Mesures sociales en contrepartie : un équilibre délicat
Conscient du risque social que fait peser une politique d’austérité, le gouvernement a pris des mesures d’atténuation :
- La suspension des taxes sur les produits de première nécessité pendant six mois, afin de freiner l’inflation alimentaire.
- L’exonération temporaire de la TVA sur les matériaux de construction, destinée à relancer les chantiers et soutenir l’accès au logement.
En revanche, la fin de la gratuité du transport public en autocars d’État, instaurée pendant la pandémie de Covid-19, pourrait susciter des remous, notamment dans les couches populaires déjà fragilisées par la vie chère.
Vers une nouvelle culture de gouvernance ?
Pour les observateurs, cette vague de réformes traduit la volonté du Président de rompre avec la culture d’impunité financière de l’ère Bongo. Toutefois, plusieurs analystes estiment que la réussite de ces mesures dépendra de leur mise en œuvre effective, dans un appareil d’État encore largement composé d’anciens cadres du système précédent.
« Les annonces sont fortes, mais ce qui compte, c’est la capacité à les appliquer réellement, sans favoritisme ni recul sous pression », avertit un économiste gabonais proche du dossier. Et sur ce point, le peuple gabonais attend de pied ferme celui-là même qu’il a plébiscité il y a tout juste quelques semaines.