Au Bénin, la cheffe Keith Sonon se lance dans un marathon culinaire inédit et galvanise tout un pays


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Marathon culinaire cheffe Keith Sonon

Au Palais des congrès de Cotonou, l’air porte encore l’odeur mêlée des épices et des légumes revenus à feu vif. Depuis trois jours, une silhouette s’affaire sous les projecteurs, tablier noué, gestes nets, regard fixé sur la ligne d’arrivée d’un défi jamais tenté au Bénin : battre le record du plus long marathon culinaire au monde. La cheffe Keith Sonon, 33 ans, avance sans fracas, mais avec une détermination que rien ne semble entamer.

Autour d’elle, un ballet continu de casseroles et de plateaux témoigne de l’ampleur du défi : produire entre 1 000 et 1 500 plats par jour, sans interruption, devant le public et les contrôleurs mandatés. Le record, homologué par le Guinness World Records, n’est pas seulement un objectif technique. Il devient, pour beaucoup, un symbole : celui d’un pays qui veut affirmer sa place dans la haute cuisine mondiale.

Une cheffe qui porte haut la cuisine béninoise

Née au Bénin avant de se former en France, Keith Sonon a pris un chemin à rebours de nombreuses trajectoires professionnelles. Après des études en management, elle choisit la cuisine. Elle passe ses diplômes, rejoint des brigades, puis construit une signature culinaire faite de rigueur française et de mémoire béninoise. Sur les plans de travail, elle assemble avec précision des techniques classiques et des ingrédients enracinés (piment, épices locales, poissons fumés, tubercules, herbes encore peu connues hors du continent).

Dans son entourage, on décrit une professionnelle exigeante, peu portée sur le spectacle, davantage soucieuse de faire la preuve que les cuisines africaines peuvent tenir les standards internationaux sans renoncer à leur identité. « Elle travaille comme si elle portait le pays sur ses épaules », nous confie un membre de l’équipe logistique.

Une mobilisation rarement vue autour d’un événement culinaire

Le premier jour du marathon culinaire a donné la mesure de l’engouement. À l’entrée du Palais des congrès, les files se formaient dès l’aube. Familles, étudiants, curieux, influenceurs culinaires : un public large, parfois venu de plusieurs villes, s’est pressé pour l’encourager. Dans les couloirs, certains affirment être revenus deux ou trois fois dans la même journée pour « voir où elle en est ».

Les autorités locales, plusieurs acteurs de la scène gastronomique béninoise et des personnalités culturelles ont fait le déplacement. L’ambiance oscille entre fierté nationale et soutien affectif. De nombreux visiteurs parlent d’« une occasion de montrer ce que nous savons faire » ou de « redonner à la cuisine béninoise la place qu’elle mérite ». Rarement un défi culinaire aura suscité une telle mobilisation au Bénin.

Un défi technique… et une quête personnelle

Keith Sonon enchaîne les heures avec une économie de gestes qui trahit l’expérience des cuisines professionnelles. À mesure que les minutes s’étirent, c’est la même routine : saisir, assaisonner, dresser, recommencer. Elle s’autorise peu de mots, mais répond avec calme aux journalistes qui se succèdent. L’endurance physique compte, mais l’endurance mentale semble encore plus décisive.

Pour la cheffe, ce marathon se veut autant une performance qu’un message. Montrer qu’une cheffe béninoise peut viser un record mondial. Prouver, aussi, que les cuisines d’Afrique de l’Ouest ont l’espace nécessaire pour se développer à grande échelle.
« Ce n’est pas seulement un record », explique un proche. « C’est une manière de dire : nous aussi, nous pouvons occuper le centre de la scène culinaire mondiale. »

L’émergence d’une figure qui inspire

À Cotonou, on observe avec attention les heures qui s’accumulent sur le compteur. Dans les échanges, un constat revient : Keith Sonon n’est plus simplement une cheffe reconnue. Elle devient, au fil du marathon, une modèle pour une génération qui voit dans son parcours une manière de concilier ambition, identité et travail rigoureux.

Le Bénin, pays discret sur la scène gastronomique internationale, se retrouve soudain au cœur d’une histoire collective. Et, quelles que soient l’issue et la durée finale, le défi de Keith Sonon aura déjà laissé une empreinte rare : celle d’un moment où un pays entier s’est rassemblé autour des casseroles en ébullition.

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Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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