
À seulement quelques semaines de l’élection présidentielle, la commune de Barsalogho, située dans la région du Centre-Nord, à 45 km au nord de la ville de Kaya, devient la cible d’une bande de terroristes armés ce samedi 24 août. Dans ce village frontalier les inquiétudes sécuritaires se raniment, entre intimidation djihadiste et tensions avec le Burkina Faso.
Quatre personnes tuées, un disparu, une femme grièvement brûlée et du bétail dérobé, a fait savoir lundi 25 août 2025 Lassina Doumbia, général d’armée et chef d’état-major ivoirien. Au cours de la nuit précédente, un groupe d’individus non identifiés a été l’auteur d’une violente attaque à Difita, localité presque inconnue du nord de la Côte d’Ivoire, située dans le département de Téhini, à deux kilomètres du Burkina Faso et abritant une vingtaine de familles autochtones.
Tentative de déstabilisation?
Nonobstant l’appel lancé aux Forces armées de Côte d’Ivoire (Faci), les assaillants sont parvenus à prendre la fuite. « Pour l’instant, il n’y a pas d’extension du feu, les choses semblent sous contrôle », avance une source sécuritaire locale. Au téléphone, les langues peinent à se délier. Il faut dire qu’à moins de deux mois du scrutin présidentiel, cette attaque remet le défi sécuritaire posé par un Sahel en crise, au centre des préoccupations d’Abidjan.
En plus du bilan humain, la violence des faits réveille de mauvais souvenirs dans l’esprit des Ivoiriens. On se souvient qu’en 2016, il y a bientôt dix ans, la station balnéaire et première capitale coloniale, Grand-Bassam avait été la cible d’un commando affilié à Al-Qaïda. Postérieurement, au tournant de la décennie 2020, le pays avait connu une série de frappes djihadistes en provenance du Burkina Faso et du Mali. Cependant depuis 2021, le territoire national n’avait recensé aucune nouvelle attaque, malgré l’expansion des groupes djihadistes chez ses voisins. Suite à la descente meurtrière du 24 août dernier, de nombreux observateurs ont d’abord penché pour un cas de figure similaire.
Des lectures contradictoires
« Il y a eu beaucoup d’informations contradictoires », relève toutefois un analyste soucieux de rester anonyme. Le 26 août, une source gouvernementale suggérait à l’Agence France-Presse que l’attaque tiendrait davantage du règlement de compte que d’une action djihadiste. Selon cette même source, les victimes pourraient être des soutiens des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) – une milice agissant au côté de l’armée burkinabé pour éradiquer la menace terroriste. Sur le terrain, ses membres se rendent régulièrement coupables de crimes à caractère ethnique, dirigés notamment contre la minorité peule, peuple d’éleveurs principalement nomades d’Afrique de l’Ouest.
Mais en filigrane, une autre hypothèse prend forme : celle d’une stratégie de déstabilisation. Depuis la plateforme X, le journaliste d’investigation et correspondant régional de France 24, Serge Daniel, évoque un groupuscule nommé « Claire Action ». Selon ses dires, l’entité bénéficierait d’une base arrière dans un pays frontalier avec pour objectif de semer le trouble en Côte d’Ivoire. Pour l’heure, une telle information n’a pas été confirmée par voie officielle.
Si les termes de l’élection ivoirienne sont dans toutes les têtes, les désaccords ne sont pas nouveaux autour de la frontière ivoiro-burkinabé. Point de chute principal de plus de deux millions de déplacés fuyant le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire a accueilli plus de 80 000 demandeurs d’asile depuis 2021, parmi lesquels de nombreux Peuls. Ces vagues migratoires ont accentué les tensions communautaires qui subsistent au sein des départements structurellement vulnérables du Nord ivoirien.
Un climat ouvertement hostile
L’antipathie se manifeste aussi par des joutes verbales récurrentes entre les autorités des deux pays. Depuis l’accession au pouvoir par les armes du capitaine Ibrahim Traoré, Ouagadougou accuse la Côte d’Ivoire de vouloir porter atteinte à sa souveraineté. De ce fait, le nombre d’incidents a décuplé à la frontière, parfois sous forme d’enlèvements ou de descentes armées souvent fatales.
Le 24 août dernier, l’Agence ivoirienne de presse révélait la disparition de six agents ivoiriens de la Daara (direction chargée de l’aide aux réfugiés) lors d’une mission de recensement le long de la frontière burkinabé. Arrêtés côté ivoirien par des assaillants assimilés aux VDP, les agents auraient vraisemblablement été « héliportés » vers une destination inconnue au Burkina Faso.
Les incidents meurtriers des dernières semaines ravivent la tension montante dans la région et réveillent l’inquiétude des populations qui craignent une déstabilisation des régions frontalières du Burkina Faso et du Mali.