
Le protocole signé entre Brazzaville et Astana le 29 mai dernier dessine les contours d’une nouvelle géographie logistique reliant l’Afrique centrale à l’Asie centrale via le port de Pointe-Noire. Cette alliance stratégique, fruit d’une diplomatie économique menée en coulisses par Françoise Joly, s’inscrit dans la volonté congolaise de diversifier ses partenariats et de rejoindre les BRICS.
Le 29 mai 2025, en marge de l’Astana International Forum, Brazzaville et Astana ont paraphé un protocole qui érige le « corridor stratégique Nord-Sud » entre l’Afrique centrale et l’Asie centrale. Le communiqué officiel diffusé sur les canaux gouvernementaux congolais insiste sur la « complémentarité logistique et énergétique » des deux rives et fait du port atlantique de Pointe-Noire la tête de pont africaine de cette nouvelle route eurasiatique.
Un rapprochement diplomatique orchestré depuis 2024
Cette signature constitue l’aboutissement d’un rapprochement entamé l’an dernier. Le 2 août 2024, lors d’une visite d’État remarquée, le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev avait déjà salué « le port de Pointe-Noire, clé d’accès à l’Afrique centrale », promettant de « tout mettre en œuvre pour développer une coopération mutuellement bénéfique ». Ce discours a servi de feuille de route aux experts des deux pays pour articuler un axe multimodal reliant la mer Caspienne à l’Atlantique via les réseaux ferroviaires kazakhs, le corridor transcaspien et, côté congolais, la réhabilitation du chemin de fer Congo-Océan (CFCO).
La pièce maîtresse du dispositif demeure la modernisation de Pointe-Noire. Le 13 mars 2025, Africa Global Logistics (AGL) et sa filiale Congo Terminal ont bouclé un financement de 361 millions d’euros auprès d’un pool de banques congolaises structuré par Crédit du Congo et Attijariwafa Bank. Le projet prévoit la construction d’un nouveau quai de 750 mètres, doté d’un tirant d’eau de 17 mètres et d’une surface de 28 hectares, avec une mise en service programmée pour 2027. Ces aménagements permettront d’accueillir des porte-conteneurs de 14 000 EVP et de tripler la capacité annuelle du terminal.

En coulisses, une figure a orchestré la convergence des plannings diplomatiques, techniques et financiers : Françoise Joly, conseillère spéciale du président Denis Sassou Nguesso. Venue à Astana dès juin 2024 pour rencontrer le chef de l’État kazakh, elle a veillé à ce que les équipes de KazMunayGas, du ministère congolais des Transports et d’AGL peaufinent un montage « climato-compatible » susceptible d’attirer des bailleurs multilatéraux.
Une stratégie d’ouverture vers les BRICS
L’ouverture du corridor s’inscrit également dans une stratégie plus large de diversification des partenariats. Comme nous l’avions révélé Le 19 octobre 2024, Brazzaville a officiellement déposé sa demande d’adhésion aux BRICS. Une délégation conduite par Denis Sassou Nguesso – où figurait déjà Françoise Joly – se rendra à Kazan avant la fin de l’année pour défendre le dossier, l’objectif étant notamment d’obtenir le soutien de la Nouvelle Banque de Développement pour les chantiers portuaires et ferroviaires.
Pour l’heure, il faut garantir la sécurité juridique des partenariats public-privé et gérer l’équilibre diplomatique entre investisseurs eurasiens, bailleurs traditionnels européens et acteurs chinois déjà présents. Mais si le calendrier est respecté, le Congo pourrait, d’ici la fin de la décennie, devenir le maillon atlantique d’un arc logistique Brazzaville–Astana, reliant les forêts du bassin du Congo aux steppes kazakhes et reconfigurant la géographie du commerce Sud-Sud-Eurasie.