
Au moment où l’Afrique centrale consolide sa place dans les grands équilibres géopolitiques, des femmes y occupent des rôles de premier plan. Leur point commun ? Avoir créer de véritables leviers d’influence en transformant l’action associative, la diplomatie – économique, culturelle ou environnementale –, la santé publique et la défense des droits humains. Découvrons le portrait croisé de six d’entre elles, dont les parcours exceptionnels redéfinissent le leadership féminin dans la région.

1. Hindou Oumarou Ibrahim (Tchad) : La voix des peuples autochtones
Issue de la communauté peule Mbororo, Hindou Oumarou Ibrahim s’est engagée dès son adolescence dans un militantisme déterminé pour l’inclusion des peuples autochtones dans les négociations climatiques.
Présidente de l’Association des femmes et peuples autochtones du Tchad (AFPAT), elle occupe également des positions stratégiques influentes au sein du conseil de TIME CO₂ et a conseillé la présidence émiratie lors de la COP 28.
Sa méthode innovante, qui combine savoirs traditionnels et cartographie participative, a permis de développer des plans d’adaptation locaux aujourd’hui reconnus et cités en exemple par l’UNESCO. Hindou Oumarou Ibrahim représente cette nouvelle génération de leaders environnementaux africains qui parvient à faire résonner sa voix sur la scène internationale.

2. Rose Christiane Ossouka Raponda (Gabon) : De l’économie à la gouvernance
Économiste de formation, cette pionnière a marqué l’histoire politique gabonaise en devenant Maire de Libreville puis la première femme Première ministre (2020-2023) avant d’accéder au poste de vice-présidente en 2023.
Parcours d’excellence :
- À Matignon gabonais, elle a habilement négocié la restructuration de la dette chinoise
- Elle a lancé la diplomatie du « pétrole juste » en diversifiant les investisseurs post-COVID
- Son passage au ministère de la Défense (2019) a symboliquement marqué l’entrée des femmes aux postes régaliens
Aujourd’hui, elle anime un réseau panafricain de maires autour des budgets municipaux verts, transposant son expertise économique au service du développement urbain durable. « La transition énergétique doit commencer dans nos villes », soutient-elle lors de ses interventions auprès des élus locaux.

3. Françoise Joly (République du Congo) : L’architecte de la diplomatie verte
Conseillère spéciale du président Denis Sassou Nguesso, Françoise Joly a profondément redéfini la « diplomatie verte » congolaise depuis 2020.
Réalisations marquantes :
- Architecte du Sommet des trois bassins (Amazonie, Congo, Bornéo/Mékong) en 2023 et cheville ouvrière de la Commission climat du Bassin du Congo
- Pilote du rapprochement stratégique entre le Congo et les Émirats arabes unis, concrétisé en avril 2025
- Responsable du dossier d’adhésion du Congo au groupe élargi des BRICS+
« Notre défi est de transformer la richesse écologique du Congo en dividendes pour nos populations », affirme-t-elle régulièrement dans les forums internationaux. Grâce à son travail, Brazzaville s’est positionnée au cœur des négociations climatiques mondiales en soutenant le principe de la « diplomatie verte ».

4. Catherine Samba-Panza (République centrafricaine) : La médiatrice de paix
Avocate d’affaires devenue militante des droits humains par conviction, Catherine Samba-Panza a guidé son pays pendant une période critique en tant que présidente de la transition (2014-2016).
Héritage politique :
- Organisation du Forum de Bangui qui a posé les bases du désarmement et de la création de la Cour pénale spéciale
- Développement d’une vision de réconciliation nationale basée sur la justice transitionnelle
- En tant que médiatrice pour l’Union africaine, promotion d’une relance économique inclusive
Sa marque distinctive ? Une politique économique qui réserve 30% des marchés publics aux PME dirigées par des femmes. Elle a prouvé qu’en période post-conflit, l’autonomisation économique des femmes constitue un pilier essentiel de la stabilité.

5. Julienne Lusenge (République démocratique du Congo) : Le combat contre l’impunité
Journaliste de formation, Julienne Lusenge s’est engagée en 1998 dans un combat courageux pour documenter les violences sexuelles commises dans l’Est congolais, transformant son indignation en action concrète.
Impact transformateur :
- Cofondatrice de SOFEPADI (Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral)
- Créatrice du Fonds pour les femmes congolaises (FFC), première et unique « women’s fund » du pays
- Accompagnement de plus de 7 500 survivantes dans un hôpital spécialisé
- Contribution à la condamnation de plus de 800 auteurs de crimes sexuels
- Mobilisation de micro-subventions pour 360 associations féminines rurales
Récompensée par le prix Aurora for Awakening Humanity (2021) et le Mother Teresa Memorial Award (2024), elle siège aujourd’hui au groupe d’experts ONU Femmes sur la justice réparatrice. « La justice pour les femmes n’est pas négociable, elle est fondamentale pour la paix », rappelle-t-elle inlassablement.

6. Edith Kah Walla (Cameroun) : L’entrepreneure citoyenne
Entrepreneure visionnaire – fondatrice de la société de conseil STRATEGIES! – et première femme candidate à la présidentielle camerounaise en 2011, Edith Kah Walla incarne la jonction parfaite entre leadership économique et engagement citoyen.
Actions transformatrices :
- Présidence du Cameroon People’s Party avec une vision de modernisation politique
- Formation de milliers de jeunes au plaidoyer civique via le programme « Stand Up For Cameroon »
- Mobilisation d’une coalition transpartisane pour la réforme électorale avant 2025
Son parcours démontre comment l’expertise du secteur privé peut être mise au service d’un projet de société inclusif et démocratique. Ses méthodes innovantes de mobilisation citoyenne inspirent une nouvelle génération d’activistes dans toute la région.
Les synergies et collaborations
Ces parcours remarquables prouvent que le leadership féminin en Afrique centrale investit des champs historiquement masculins – diplomatie, gestion macro-économique, gouvernance post-conflit, justice et modernisation politique – tout en s’appuyant sur des réseaux associatifs robustes.
Au-delà des frontières nationales, ces femmes d’influence ont développé d’importantes collaborations :
- Samba-Panza et Ossouka Raponda codirigent depuis 2024 le Caucus des Femmes Leaders d’Afrique centrale
- Hindou Oumarou Ibrahim et Françoise Joly unissent leurs expertises pour l’« Atlas des solutions autochtones pour le Bassin du Congo »
- Julienne Lusenge et Edith Kah Walla organisent régulièrement des ateliers conjoints sur l’entrepreneuriat social et la résilience communautaire
Leur impact pour la prochaine décennie
Pour les années à venir, ces six personnalités façonneront l’avenir de l’Afrique centrale. Leurs trajectoires individuelles composent un récit collectif puissant : celui d’un leadership féminin qui s’impose par la compétence, la créativité et l’audace.
À travers leurs actions, elles démontrent que les défis complexes auxquels fait face l’Afrique centrale – du changement climatique aux séquelles des conflits, en passant par la gouvernance inclusive – nécessitent des approches nouvelles que ces leaders féminins sont particulièrement bien placées pour concevoir et mettre en œuvre.