Arche de Zoé : les Français font face à la justice tchadienne


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A en croire les derniers bruits de couloir de la Cour criminelle de N’djamena, si les Français de l’Arche de Zoé accusés d’enlèvement sont condamnés, ils pourraient exécuter leur peine dans leur pays, voire être graciés. Cette question serait même la seule qui se pose encore, alors que le procès des membres de l’association et de leurs complices débute ce vendredi.

Les membres de l’Arche de Zoé devraient bientôt être fixés sur leur sort. Le procès des six Français de l’association humanitaire, des trois Tchadiens et du Soudanais impliqués dans la tentative d’enlèvement de 103 enfants, le 25 octobre dernier, doit débuter ce vendredi devant la Cour criminelle de N’djamena. Les ressortissants français sont jugés pour « enlèvement d’enfants tendant à compromettre leur état civil, faux et usage de faux en écritures publiques et grivèlerie » et les quatre autres accusés pour « complicité d’enlèvement d’enfants ».

Les premiers avaient été arrêtés le 25 octobre à Abéché, la principale ville de l’est du Tchad, alors qu’ils s’apprêtaient à embarquer dans un avion 103 enfants. Ils avaient récupéré ces derniers auprès de leurs proches, à qui ils ont promis que les enfants séjourneraient dans un centre d’hébergement d’urgence, au Tchad, pour des soins médicaux et une éducation. Affrété sous couvert d’évacuation sanitaire, l’avion devait emmener les enfants en France, où des familles d’accueil les attendaient.

Eric Breteau, le président de l’Arche de Zoé, devenue Children Rescue, au Tchad, assure encore aujourd’hui avoir voulu « sauver de la mort » des orphelins du Darfour. Une enquête d’organisations humanitaires internationales a pourtant établi que la quasi-totalité des enfants venait de villages tchadiens de zones frontalières du Soudan, et que tous ont au moins un de leurs deux parents. La défense de l’association ne plaide pas moins la bonne foi et accuse les intermédiaires locaux qui lui ont permis de recruter les enfants d’avoir menti sur leur filiation et leur nationalité.

Un procès joué d’avance ?

Mardi dernier, la ministre française de la Justice, Rachida Dati, a rappelé à la radio qu’il existe « une convention d’entraide judiciaire qui permettrait, en cas de prononcé de condamnation au Tchad, de faire exécuter la sanction » en France. « La France a devoir de protection vis-à-vis de nos compatriotes », a-t-elle ajouté, soulignant que les inculpés dans cette affaire sont « présumés innocents à ce jour ». La veille, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s’était voulu plus prudent : « Nous souhaitons tous que les membres de l’Arche de Zoé reviennent en France le plus tôt possible, mais rien n’est acquis », avait-il déclaré à la radio.

Au Tchad, où les magistrats ont dénoncé des pressions politico-diplomatiques depuis le début de l’affaire, le milieu judiciaire s’attend à un procès téléguidé par N’djamena et Paris. Depuis la sortie malheureuse de Nicolas Sarkozy, le 6 novembre dernier, sur sa volonté d’aller chercher les détenus « quoi qu’ils aient fait », les deux pays ont continué à travailler pour « dénouer la situation », selon les termes de l’Elysée. Aujourd’hui, la rumeur laisse entendre que les accusés français vont être condamnés puis renvoyés en France pour y purger leur peine, voire graciés.

De leur côté, les membres de l’Arche de Zoé sont en grève de la faim depuis le 8 décembre pour dénoncer une instruction qu’ils jugent « tronquée » et « à charge ». L’une d’entre eux, Emilie Lelouch, interviewée dans la prison de N’Djamena par France info, déclarait jeudi : « On n’y va pas pour la justice, on sait que c’est pas une audience, on sait que c’est une tribune. Malheureusement, avec tout ce qu’on a subi pendant huit semaines, avec les mensonges et compagnie, on peut pas avoir confiance. » Les inculpés accusent également la France de les avoir « lâchés », ce que la ministre de la Justice a encore démenti en début de semaine. S’ils étaient extradés, ils pourraient être rattrapés en France par une information judiciaire ouverte pour « exercice illégal de la profession d’intermédiaire en vue de l’adoption et escroquerie ».

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