Tchad : en prison, Succès Masra entame une grève de la faim et relance le bras de fer politique


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Succès Masra, Premier ministre du Tchad

Depuis sa cellule, Succès Masra a annoncé entamer une grève de la faim. L’ancien Premier ministre tchadien proteste contre une détention qu’il juge arbitraire. Dans une lettre lue au siège de son parti, il dénonce des injustices « imméritées » et appelle les Tchadiens à garder la tête haute.

Ce geste symbolique s’inscrit comme un acte de résistance politique.

Des accusations lourdes et une justice sous tension

Arrêté le 16 mai, quelques semaines après l’élection présidentielle à laquelle il s’était présenté en vain, Masra fait l’objet de lourdes accusations : incitation à la haine, constitution de bandes armées, complicité d’assassinat, incendie volontaire, et même profanation de sépultures. Au cœur du dossier judiciaire, un message audio remontant à 2023, dans lequel il aurait incité les populations du Sud à s’armer pour se défendre. La justice l’accuse d’avoir ainsi contribué au massacre de 42 personnes à Mandakao le 14 mai. Ses avocats, eux, dénoncent un procès politique, et rappellent que ce mandat d’arrêt avait déjà été levé en novembre 2023, preuve selon eux du caractère infondé des poursuites.

Une mobilisation politique et diplomatique en cours

Le collectif des avocats de Succès Masra, aussi bien au Tchad qu’à l’étranger, continue de réclamer sa libération immédiate. Une demande de mise en liberté provisoire a été rejetée par la chambre d’accusation le 19 juin. Me Vincent Brengarth, l’un de ses avocats basé à Paris, a alerté le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU ainsi que la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen. La défense parle d’une « procédure injustifiée » et d’un acharnement politique contre une figure populaire du Sud du pays.

Un enjeu ethno-politique sous-jacent

Succès Masra, originaire du Sud et issu de l’ethnie Ngambaye, jouit d’un soutien fort dans cette région à majorité chrétienne et animiste, souvent marginalisée par le pouvoir central dominé par les élites du Nord, majoritairement musulmanes. Son arrestation et sa détention prolongée ravivent donc les tensions ethno-politiques latentes, dans un pays encore marqué par les violences postélectorales. Pour ses partisans, cette incarcération est une tentative de museler une voix dissidente qui dérange, à l’heure où le régime de Mahamat Idriss Déby cherche à renforcer son autorité.

Un combat qui dépasse les murs de la prison

Dans sa lettre, Masra évoque « la libération des énergies d’un peuple prisonnier de ses injustices et inégalités » et souligne que sa grève de la faim vise à faire résonner son combat bien au-delà des murs de sa cellule. Quoi qu’il advienne de son sort, il demande à ses militants de continuer le combat pour la dignité, la liberté et la justice. Dans un Tchad en quête d’équilibre démocratique, cette grève de la faim pourrait bien marquer un nouveau tournant.

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