Après le Liban, Léon XIV tourne son regard vers l’Afrique et d’abord vers l’Algérie


Lecture 6 min.
Robert Prevost pape Léon XIV
Robert Prevost pape Léon XIV

De retour de son premier voyage à l’étranger en Turquie et au Liban, le pape Léon XIV a confié vouloir placer son pontificat sous le signe du dialogue entre les peuples. Après avoir appelé à la paix à Beyrouth, le souverain pontife prépare une tournée africaine dès 2026, avec l’Algérie comme étape phare pour “marcher sur les pas de saint Augustin” et renforcer les liens entre chrétiens et musulmans.

De retour de son premier voyage à l’étranger en Turquie et au Liban, le nouveau pape Léon XIV a confié dans l’avion qui le ramenait à Rome qu’il souhaite faire de l’Afrique la prochaine étape de son pontificat, avec une visite en Algérie “pour marcher sur les pas de saint Augustin” et approfondir le dialogue entre chrétiens et musulmans. Une perspective lourde d’enjeux spirituels, diplomatiques et mémoriels pour le Maghreb et le continent africain.

Un premier voyage marqué par l’appel à la paix au Liban

En choisissant la Turquie puis le Liban pour son premier déplacement hors d’Italie, Léon XIV a voulu placer son pontificat sous le signe d’un dialogue patient au cœur d’un Moyen-Orient fracturé. À Beyrouth, il a célébré une grande messe en français devant environ 150 000 fidèles, appelant à faire du Liban une “maison de justice et de fraternité” et demandant l’arrêt des attaques qui touchent régulièrement le pays.

Le pape a surtout frappé les esprits en se recueillant en silence sur le site de l’explosion du port de Beyrouth, devenue le symbole des crises enchevêtrées qui minent le pays : effondrement économique, paralysie politique, exode massif des jeunes.

Au fil des discours, le nouveau pontife, premier pape né aux États-Unis et ancien missionnaire au Pérou, s’est efforcé de rappeler le rôle des chrétiens comme “levain de paix” dans des sociétés de plus en plus polarisées. Ce message a trouvé un écho particulier au Liban, pays où la présence chrétienne demeure centrale dans l’équilibre institutionnel, mais fragilisée par la crise et l’émigration.

“Africa, Africa, Africa” : l’Algérie au cœur des prochaines étapes

C’est toutefois à bord de l’avion le ramenant de Beyrouth à Rome que Léon XIV a esquissé les contours de la prochaine grande séquence de son pontificat. Dans les conversations avec les invités à bord de l’avion, il a confirmé qu’il souhaitait que son prochain voyage l’emmène en Afrique : “J’espère réaliser un voyage en Afrique”, a-t-il lancé, avant de préciser qu’il pensait “en particulier à l’Algérie”, tout en rappelant que rien n’était encore officiellement arrêté.

Selon plusieurs médias et sources vaticanes, ce périple africain pourrait avoir lieu en 2026, avec une tournée incluant d’autres pays comme le Cameroun ou la Guinée équatoriale, mais où Alger serait l’étape symbolique centrale.

Le pape a justifié ce choix par un double motif : spirituel et géopolitique. Augustin d’Hippone, docteur de l’Église dont Léon XIV se réclame et qui inspire sa devise épiscopale, est une figure profondément enracinée dans l’histoire de l’Algérie contemporaine. En effet, il est né à Thagaste (Souk Ahras) et évêque d’Hippone (Annaba).

Personnellement, j’espère aller en Algérie pour visiter les lieux de vie de saint Augustin, mais aussi pour poursuivre le dialogue et tisser des liens entre les mondes chrétien et musulman”, a déclaré Léon XIV, lui-même ancien prieur général de l’ordre augustinien.

L’Algérie, laboratoire du dialogue islamo-chrétien

Pour le Vatican, choisir l’Algérie n’a rien d’anodin. Le pays occupe une place singulière dans l’histoire du christianisme nord-africain, de saint Cyprien à saint Augustin, mais aussi dans la mémoire plus récente des moines de Tibhirine et de la figure de Charles de Foucauld, canonisé en 2022, tous devenus des symboles de fraternité vécue jusqu’au don de soi.

Dans sa conférence de presse, Léon XIV a clairement relié ce futur voyage à son souci de déminer les peurs et instrumentalisations politiques autour de l’islam. Revenant sur les crispations en Europe face à la visibilité de l’islam, il a estimé que ces peurs sont souvent alimentées “à des fins politiques, notamment contre les migrants”, plaidant au contraire pour une culture de la rencontre et de la connaissance mutuelle.

En Algérie, où l’islam est religion d’État et où la petite minorité chrétienne reste très encadrée juridiquement, la venue d’un pape pourrait ouvrir un espace inédit de dialogue, au-delà des enjeux strictement confessionnels. Dans la continuité du rapprochement engagé ces dernières années entre Alger et le Saint-Siège autour des questions mémorielles, des archives de la colonisation et des figures communes comme l’émir Abdelkader, ce voyage se voudrait un geste de confiance dans la capacité de l’Algérie à jouer un rôle de médiateur régional et de pont entre Nord et Sud.

Un signal fort pour l’Afrique et pour le Maghreb

Au-delà de l’Algérie, c’est bien l’ensemble du continent africain que Léon XIV souhaite placer au cœur de ses premiers pas. “Juste pour confirmer : l’Afrique, l’Afrique, l’Afrique”, a insisté le pape dans son avion de retour, laissant entendre qu’il ne se contenterait pas d’une courte visite symbolique mais d’une véritable tournée sur le continent.

Ce choix prolonge l’héritage de François, très présent en Afrique de l’Est et centrale – République démocratique du Congo, Soudan du Sud, Centrafrique, Mozambique –, mais en y ajoutant une dimension maghrébine que l’ancien pape n’avait jamais pu concrétiser malgré plusieurs projets avortés de voyage au Maroc ou en Algérie.

Pour les sociétés civiles africaines, particulièrement engagées sur les questions migratoires, environnementales et sociales, la parole du pape sur la justice, la lutte contre la corruption et la défense des migrants pourrait offrir une caisse de résonance internationale supplémentaire. Les propos tenus à bord de l’avion sur la nécessité de privilégier le dialogue plutôt que l’escalade militaire, que ce soit au Venezuela, en Ukraine ou au Moyen-Orient, annoncent un pontificat soucieux de peser sur les grands dossiers géopolitiques actuels.

Dans ce contexte, un premier grand voyage africain centré sur l’Algérie serait un signal politique adressé au monde musulman, à l’Europe et au continent africain, disant qu’au lendemain de Beyrouth, les “ponts” que Léon XIV veut construire iront aussi se poser sur les rives sud de la Méditerranée.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News