Amadou et Mariam présentent « Welcome to Mali »


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Mariam et Amadou
Mariam et Amadou

Amadou et Mariam sont de retour avec Welcome to Mali. Quatre ans après la sortie du très remarqué Dimanche à Bamako, le couple malien signe un nouvel opus riche en morceaux métissés : aux musiques traditionnelles africaines, ils ont mêlé des influences electro, reggae, rock, afro-beat, pop… Amadou et Mariam racontent cette nouvelle aventure à Afrik.com.

Le nouveau voyage musical d’Amadou et Mariam commence avec un titre electro enlevé, « Sabali ». Puis, Welcome to Mali nous emmène là où les musiques traditionnelles africaines se marient à des notes reggae, afro-beat, rock, pop… Cette virée est le fruit des collaborations du couple d’aveugles maliens avec des artistes aux univers très divers, comme Tiken Jah Fakoli, Matthieu Chedid (alias M), Keziah Jones, Juan Rozoff, K’Naan et Damon Albarn. Après le succès de Dimanche à Bamako, sorti en 2004 et récompensé en France par une Victoire de la musique, le binôme renoue donc avec le métissage d’influences. Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia parlent pour nous de l’aventure Welcome to Mali, enregistrée entre le Sénégal, le Mali, la France et l’Angleterre. Ils reviennent aussi sur leur parcours.

Afrik.com : Le nouvel album s’appelle Welcome to Mali. Est-ce que vous vous faites ambassadeurs de votre pays ?

Amadou : D’une manière générale, dans tous nos albums, nous essayons toujours de parler du Mali, de tout ce qui se passe au Mali. On parle du mariage au Mali, des Coulibaly, du pays Dogon… On est toujours dans cette dynamique-là. Partant du fait que le Mali est un pays très culturel, musical, historique et que les Maliens sont très accueillants, on invite les gens à voir le Mali.

Mariam : Ce qui se passe au Mali c’est ce qu’on chante dans nos chansons pour que les gens puissent savoir ce qui s’y passe et aillent voir le Mali. Le Mali est un pays très chaleureux, accueillant… c’est pourquoi on chante toujours quelque chose pour faire connaître le Mali.

Afrik.com : Dans « Ce n’est pas bon », vous dénoncez notamment la dictature et la démagogie…

Amadou : La démagogie n’est pas du tout une bonne chose parce qu’on souhaite que notre continent puisse être à l’image des autres, qu’il puisse être sur le chemin du développement et que les responsables politiques soient plus conscients de leur tâche, qu’ils tiennent compte de leurs promesses et qu’ils agissent pour le bonheur de tout le monde. Qu’ils agissent pour le respect et l’amour du peuple, surtout.

Afrik.com : « Africa » est plutôt un coup de gueule pour dire qu’il n’y a pas que la guerre, la corruption et la famine en Afrique. Pensez-vous que l’on parle mal de l’Afrique ? Que l’image reflétée n’est pas fidèle à la réalité ?

Mariam : C’est vrai que beaucoup pensent qu’il n’y a que la pauvreté en Afrique. Mais il n’y a pas que ça : il y a la fête, la joie, l’humanité, la solidarité. Quand quelqu’un a un problème, tout le monde vient vers lui pour l’aider à s’en sortir.

Amadou : Effectivement, il y a la volonté de dire aux gens qu’il n’y a pas que la guerre, qu’il y a aussi autre chose. Comme en Europe ils ne font que parler du mauvais côté de l’Afrique, on a voulu chanter cette chanson pour remettre les choses à leur place.

Afrik.com : L’importance de la famille, des proches, des amis, des voisins… revient beaucoup dans vos chansons. Pourquoi ?

Amadou : C’est très important. Surtout par rapport à cette histoire de conflit, de guerre entre les pays, les ethnies… On essaie d’expliquer que les Africains sont tous parents, qu’on n’a pas besoin de se livrer de guerre, on n’a pas besoin de conflit, on a surtout besoin que les uns et les autres se retrouvent.

Afrik.com : Vous parlez beaucoup d’amour dans vos chansons. L’amour n’est pas quelque chose que l’on exprime facilement en Afrique. La chanson « Je te kiffe » est-elle une façon de dire aux Africains : « N’ayez pas peur de vous dire « je t’aime » » ?

Amadou : Peut-être qu’en Afrique on n’aime pas trop le dire, mais on le vit. Donc nous sommes réellement des porte-paroles pour essayer de briser un peu les tabous. Je pense que ça fait plaisir aux uns et aux autres d’entendre ces mots-là parce que ça les mets un peu à l’aise et ils aiment ce genre de message.

Afrik.com : Votre album est très métissé. Vous mélangez les langues, les influences… Pensez-vous que le métissage soit l’avenir de la musique ?

Amadou : D’une manière générale, oui. Le métissage est partout et il doit être partout parce qu’il faut que les gens soient métissés, que chacun puisse jouer son petit rôle. Parce qu’il y a des Blancs, il y a des Noirs, il y a des jaunes. Il faut qu’on compose ensemble. Je pense que le métissage c’est l’avenir-même de l’humanité.

Afrik.com : Vous avez collaboré avec des chanteurs ayant chacun un univers très différent. Comment avez-vous réussi à séduire des artistes avec des influences aussi diverses ?

Mariam : Depuis qu’on est petits, on aime le mélange. C’est pourquoi quand on commence un album on invite toujours les gens. On a rencontré Keziah à New York lorsqu’on était partis faire un événement en hommage à Fela. On a échangé des idées. Après, on l’a invité au Mali et il est venu. On a fait un concert ensemble qui a bien marché. Les autres aussi, c’est à peu près la même chose. Chaque fois on se rencontre d’abord avant de faire des choses.

Amadou : La séduction se fait d’abord par la musique. Nous faisons une musique qui leur parle. Ils se retrouvent dedans à tel point qu’ils ont envie de partager ce moment-là avec nous. C’est surtout ça.

Afrik.com : Cela vous est-il arrivé qu’on vous reproche de trop métisser votre musique et qu’au final la musique africaine se perdait ?

Amadou : On n’a pas tellement l’occasion de nous dire ça parce que, même s’il y a le métissage, on essaie toujours de garder notre côté originel, le côté Amadou et Mariam. Par exemple, sur cet album-là même, on voit que c’est beaucoup electro et pop. Mais on retrouve quand même la kora, le ngoni, des violons traditionnels… On essaie de faire la part des choses.

Afrik.com : Vous remportez un grand engouement en France et en Angleterre. Avez-vous autant la cote en Afrique ?

Amadou : On peut dire que les Africains nous aiment bien mais on n’a généralement pas le temps de faire de tournées en Afrique parce qu’on est beaucoup en tournée en Europe. Les Africains nous veulent beaucoup mais ils n’arrivent pas à nous voir en concert.

Afrik.com : Vous allez les fâcher…

Amadou : (rires) Effectivement, mais ils se réjouissent parce qu’ils pensent que nous sommes leurs porte-paroles. Quand il y a de gros événements, on est toujours là et on représente l’Afrique et ça aussi ça leur fait énormément plaisir.

Mariam : Ils sont très fiers de nous parce qu’on les représente mais ils veulent qu’on joue des concerts en Afrique. Mais c’est le temps qui nous manque surtout.

Afrik.com : Mais pourquoi ne pas donner la priorité à l’Afrique, le continent d’où vous êtes partis ?

Mariam : Vraiment, on va essayer.

Afrik.com : Une tournée africaine est donc prévue ?

Mariam : Pour le moment non parce que, comme l’album vient de sortir, il y a la promo et tout le reste. Nous on veut faire des concerts en Afrique mais vraiment c’est le temps qui nous manque. Mais quand on aura le temps on le fera, inch’Allah.

Afrik.com : Mais comment se fait-il que l’Afrique ne soit pas une priorité ?

Mariam : Nos tourneurs sont là, les producteurs sont là, l’album a commencé ici, il est sorti ici… C’est pour cela que l’on commence à l’extérieur.

Afrik.com : Que vous a apporté la découverte de la musique ?

Amadou : Beaucoup de choses. La découverte de la musique nous permet d’avoir un moyen d’expression, de partager nos points de vue avec les uns et les autres, de lancer des messages, de donner de l’espoir aux gens et de vivre des moments heureux.

Afrik.com : Vos débuts ont-ils été difficiles ? Le fait d’être aveugles a-t-il été un handicap ?

Mariam : Non, pas du tout. Quand on a commencé, tout le monde aimait notre musique. Avant d’aller à l’institut des jeunes aveugles, je chantais et Amadou jouait de la guitare de son côté. Lorsque je suis allée à l’institut, on m’a demandé d’apprendre aux autres à chanter et à danser. Amadou est venu par la suite et nous avons formé un orchestre avec des voyants et des aveugles. Ensuite, nous avons créé une troupe. On a commencé à faire des concerts. Les gens nous ont aimés, ils venaient beaucoup nous voir et les salles étaient vraiment remplies. Ce qui a été difficile, c’est que quand on a été connu dans notre pays parce qu’il n’y avait pas de studio d’enregistrement, de producteurs, de distributeurs…

Amadou : On avait attiré une sorte de sympathie du fait que malgré notre handicap on arrivait faire quelque chose, on arrivait à chanter. On avait un don. Les gens admiraient ce qu’on faisait et nous avions leur soutien. Donc au début ça n’a pas été très difficile pour nous.

Afrik.com : Avez-vous des actions pour aider les jeunes aveugles ?

Mariam : Chaque année, au Mali, on fait un festival qui s’appelle Paris-Bamako pour aider les jeunes de l’institut des jeunes aveugles.

Amadou : A partir de ce festival, il y a pas mal de choses que l’on fait. Des sponsors nous ont permis de rénover les internats, d’apporter du matériel… Comme nous sommes ambassadeurs de bonne volonté du Programme alimentaire mondial, on est parvenu à trouver le moyen pour qu’il puisse fournir à manger pendant quelques années. On a commencé au Mali et peut-être que ça va s’élargir dans les jours à venir.

Consulter le site officiel d’Amadou et Mariam

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