
La compagnie italienne Grandi Navi Veloci inaugure sa première liaison directe entre l’Algérie et le port français de Sète. Cette annonce illustre une nouvelle fois la montée en puissance économique de Rome au Maghreb au détriment de Paris.
Le mercredi 4 juin 2025, la compagnie italienne Grandi Navi Veloci (GNV) a officiellement inauguré sa première liaison passagers entre Alger et Sète, dans l’Hérault, sud de la France et patrie de Georges Brassens. Cette nouvelle desserte, qui complète l’offre traditionnellement concentrée sur Marseille, témoigne d’une recomposition géopolitique plus large en Méditerranée occidentale.
Une alternative stratégique au monopole marseillais
Jusqu’au 30 septembre 2025, GNV assurera une rotation hebdomadaire sur les routes Sète-Alger et Sète-Béjaïa. Le navire Excellent, d’une capacité de 2 230 passagers et 760 véhicules, répond aux besoins spécifiques de la diaspora algérienne, particulièrement durant la période estivale des retours au pays. L’armateur génois a d’ailleurs lancé une promotion attractive avec des réductions pouvant atteindre 40% pour les réservations anticipées.
Cette nouvelle liaison vise prioritairement les communautés algériennes établies dans le sud et l’ouest de la France, jusqu’alors contraintes de transiter par Marseille. En positionnant Sète comme « tête de pont« , GNV espère capter une clientèle géographiquement plus proche de ce port languedocien, tout en contribuant au désengorgement du Grand Port Maritime de Marseille.
L’Italie, nouveau leader commercial au Maghreb
Cette offensive maritime s’inscrit dans une dynamique économique plus vaste qui voit l’Italie supplanter progressivement la France comme partenaire privilégié de l’Algérie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les échanges bilatéraux italo-algériens ont franchi la barre des 20 milliards d’euros en 2024, contre seulement 11,8 milliards avec la France.
Cette transformation s’appuie sur des fondamentaux énergétiques solides. L’Algérie couvre désormais 40% des besoins italiens en gaz naturel, consolidant un partenariat stratégique renforcé par l’implantation industrielle. L’inauguration fin 2024 de l’usine Fiat-Stellantis à Oran illustre parfaitement cet ancrage transalpin sur le territoire algérien.
Parallèlement, la France enregistre un recul préoccupant : ses exportations vers l’Algérie ont chuté de 21% au premier trimestre 2025, reléguant l’Hexagone au rang de deuxième partenaire commercial derrière l’Italie. Cette nouvelle ligne maritime, portée par GNV (filiale du groupe MSC), matérialise donc sur le terrain logistique cette redistribution des cartes méditerranéennes.
Un potentiel touristique et diasporique considérable
Les enjeux dépassent le simple transport maritime. L’Algérie a accueilli plus de 3,5 millions de visiteurs étrangers en 2024, affichant une croissance à deux chiffres, avec l’ambition d’atteindre 12 millions d’ici 2030. À ces flux touristiques s’ajoutent les 1,1 million de membres de la diaspora ayant effectué leur « retour au bled » l’année dernière.
La desserte directe depuis Sète présente un avantage géographique indéniable pour les populations de Toulouse, Montpellier, ou même Barcelone. Cette liaison permet de combiner transport de personnes et de véhicules à des tarifs souvent plus compétitifs que l’aérien en haute saison. Pour les touristes français séduits par une approche « slow travel » et désireux de découvrir le Sahara ou la Casbah d’Alger, la traversée nocturne constitue une alternative cohérente avec les préoccupations environnementales actuelles.
Le test d’une stratégie méditerranéenne
Si cette saison pilote s’avère concluante, GNV envisage déjà d’augmenter les fréquences et d’ouvrir des liaisons cargo-passagers permanentes. L’enjeu est d’évaluer la demande réelle d’une diaspora en quête de nouvelles routes et d’accompagner l’ouverture progressive de l’Algérie au tourisme international.
En facilitant les connexions entre les marchés français et algérien, l’Italie confirme sa stratégie méditerranéenne, incarnée par le « Plan Mattei » du gouvernement Meloni. Cette approche pragmatique contraste avec une France qui peine à adapter ses relations avec son ancienne colonie aux réalités géopolitiques contemporaines.