La France rend hommage à la « Force Noire »


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Recueil devant le monument actuel aux Héros de la Force Noire

Lundi, la ville de Reims a rendu hommage aux « Héros de l’Armée Noire » morts pour la France. Tombés sur les champs de bataille lors de la première guerre mondiale, ils n’ont jamais été considérés à l’égal des soldats français. La « cité des Sacres », qui fut le théâtre de lourds combats en 1918, se rappelle ces hommes courageux morts pour une patrie qui n’était pas la leur.

Dépôt de gerbes, discours officiel, exposition, conférence de presse. C’est en grande pompe que la ville de Reims a fait honneur aux soldats noirs morts pour la France lors de la guerre de 14-18. En présence de Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat chargé de la Défense et des Anciens Combattants, de Rama Yade, secrétaire d’Etat chargée des Affaires Etrangères et des Droits de l’Homme, et de Natié Pléa, ministre malien de la Défense et des Anciens Combattants, la Maire de Reims, Adeline Hazan, a tenu à se souvenir de ceux qu’on appelait « la Force Noire ».

Lors de la première guerre mondiale, la ville de Champagne a été l’une des plus touchées par les attaques des Allemands. Elle « porte encore les séquelles de la guerre » et « se souviendra toujours des 4 000 tirailleurs sénégalais qui ont lutté » pour la défendre, a rappelé la Maire.

Créé en 1857 par Louis Faidherbe, gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française, le corps de 275 000 soldats indigènes était couramment appelé le corps des « Tirailleurs Sénégalais ». 141 000 hommes venant de 17 pays africains [[Le Bénin, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon, Madagascar, la Mauritanie, la Centrafrique, le Tchad, les Comores, le Burkina Faso, le Congo Brazzaville, Djibouti, la Guinée, le Mali, le Niger et le Togo]] ont été remerciés et honorés à Reims, lundi, pour leur contribution à l’effort national de guerre plus de 90 ans après les faits.

Le Monument aux Héros de l’Armée Noire est prévu pour 2010

Le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants s’est dit déterminé à soutenir les collectivités territoriales pour faire renaître le « Monument aux Héros de l’Armée Noire ». Erigé à Reims en 1924, le monument a été détruit par les Allemands en 1940, par haine des Noirs et pour récupérer le métal de la statue en période de guerre. Représentant un groupe de soldats coloniaux emmenés par un officier blanc, la statue a sa jumelle à Bamako. Un nouveau monument a été inauguré en 1963 : deux obélisques de 7 mètres de haut, chacun symbolisant l’union de la France et de ses colonies pour la liberté.

Les représentants des conseils généraux de Champagne Ardenne et de la Marne se sont donc engagés, lundi, à inauguré un ultime et définitif monument le 11 novembre 2010. Il représentera la première œuvre architecturale édifiée en 1924.

Badara N'Diaye, ancien tirailleurPour Badara N’Diaye, « mieux vaut tard que jamais ». Cet ancien tirailleur sénégalais a combattu dans les rangs français lors de la seconde guerre mondiale et s’est dit très ému par cette cérémonie.

« Souvenons-nous. Soyons fiers »

« La France se souvient de ses enfants d’Afrique morts pour la patrie. Souvenons-nous. Soyons fiers. Ayons leurs mémoires et leur sacrifice à l’esprit», a déclaré Jean-Marie Bockel sur la place de la mairie rémoise devant une quinzaine d’ambassadeurs africains. Les chœurs de l’armée française ont entonné successivement la Marseillaise et « C’est nous les Africains », chant poignant des indigènes pendant la guerre. Un poème de Léopold Sédar Senghor a également été lu sur le parvis de la mairie.

Adeline Hazan a, quant à elle, tenu à saluer la mémoire de « ceux qui ont traversé des épreuves inhumaines loin de leurs racines, pour la France ». La maire socialiste a par ailleurs insisté sur les « erreurs commises par la France hors de ses frontières quand elle n’a pas reconnu ses propres symboles : liberté, égalité, fraternité ».

La question des pensions toujours en débat

Rama Yade a, elle, rappelé le triste sort des soldats indigènes après les combats : « beaucoup d’entre eux ont été fusillés à leur retour du front pour le simple fait d’avoir demandé leur solde, comme leurs homologues blancs ». Au sortir de la guerre, quasiment aucun tirailleur sénégalais n’a perçu de pensions. En première ligne des combats pendant les batailles, ils ont été les derniers remerciés par les autorités françaises. Alors que le Conseil d’Etat a obligé le 10 décembre 2001 la France à rétablir dans leurs droits les anciens combattants d’origine étrangère, aucun pas n’a encore été fait dans ce sens par le gouvernement. Jean-Marie Bockel s’en est expliqué et a promis que la décristallisation des pensions était en cours.

La secrétaire d’état aux Affaires Etrangères et aux Droits de l’Homme, Rama Yade, a estimé que cet hommage aux Tirailleurs Sénégalais « devrait être plus efficace pour la jeunesse française issue de l’immigration, et qui vit dans nos tours de banlieue, que toutes les mesures de discrimination positive ».

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