Les Africains redoutent un partenariat gagnant-perdant avec la Chine


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La Chine déclare promouvoir un partenariat gagnant-gagnant avec les Africains. Mais ces derniers ont parfois du mal à percevoir l’avantage qu’ils en tirent. En Zambie, le cinquième pays que visitera le président chinois dans sa tournée africaine, les ouvriers du textile et des mines de cuivre sont en colère.

« La Chine oeuvre à établir et à développer un nouveau type de partenariat stratégique marqué par l’égalité et la confiance mutuelle sur le plan politique, la coopération dans un esprit gagnant-gagnant sur le plan économique. » Ces principes, réaffirmés en novembre dernier lors du sommet Chine-Afrique, étaient développés au début de l’année 2006 dans un livre blanc par Pékin. Mais en Zambie, où le président Hu Jintao doit se rendre samedi pour une visite officielle de trois jours, les ouvriers y croient de moins en moins. Ces dernières années, l’implication chinoise dans les secteurs du bâtiment, des mines ou du textile a crû dans ce pays d’Afrique australe proportionnellement au mécontentement qu’elle a engendré.

Début janvier 2007, la direction de la Zambia-China Mulungushi Textiles (ZCMT), une co-entreprise (joint-venture) détenue à 66% par une société chinoise (Quingdao Textile) et par l’Etat zambien, avait annoncé la mise en chômage technique de ses 700 employés jusqu’à la fin du mois de mars. Les ouvriers, qui réclamaient le paiement de leurs arriérés de salaires avant l’exécution de cette décision, avaient manifesté leur colère, forçant les dirigeants à s’enfermer dans leurs bureaux. Plus grande entreprise textile du pays, la ZCMT a finalement dû vendre une partie de ses actifs non directement liés à la production pour satisfaire cette demande.

« Nous en sommes dégoûtés »

Outre cet épisode, les ouvriers zambiens reprochent aux entrepreneurs chinois d’ignorer les lois du travail et de spolier les richesses naturelles. Hu Jintao doit ainsi visiter lors de son passage la mine chinoise (Non-Ferrous company, African Mining of China) de Chambeshi, à 400 Km au nord de la capitale, Lusaka, où cinquante ouvriers sont morts en 2005 suite à une explosion due aux mauvaises conditions de sécurité.

Autre reproche, les bas salaires pratiqués par l’employeur chinois. En juillet dernier, cinq personnes ont été tuées par balles lorsque la police a ouvert le feu sur des ouvriers manifestant pour le respect d’un accord d’augmentation de salaire signé avec la direction. Hu Jintao n’en inaugurera pas moins une nouvelle mine de cuivre de 200 millions de dollars lors de sa visite. « Nous en avons assez (…) J’espère que le président va utiliser ce voyage pour expliquer aux siens comment traiter les ouvriers correctement », explique le syndicaliste Joyce Nonde, le président de la Federation of free trade unions (FFTUZ), à l’AFP.

En cause, selon l’Economic association of Zambia, la différence de culture entre les deux pays et la politique de bas coûts de production menée par les entrepreneurs chinois et apparentée à de l’exploitation par les Zambiens. « Ils peuvent vider leurs marchandises bon marché mais pas les êtres humains », avait déclaré Michael Sata, le challenger du président Levy Mwanawasa, lors des présidentielles de septembre dernier, menaçant même d’expulser les Chinois s’il était élu. Cela n’a pas été le cas.

« Le gouvernement chinois a beaucoup contribué au développement »

A Dakar, la complainte des vendeurs ne date pas d’hier. Les commerçants chinois y étaient dès 2002 accusés de bien des maux par l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unicois) : travail illégal, déclaration de produits en pièce détachées en lieu et place de produits finis et monopolisation des places de marché au détriment des vendeurs sénégalais. « Nous voulons éviter ce qui s’est passé à Kampala (Ouganda) ou Nairobi (Kenya), où les commerçants chinois ont mis quasiment tous les locaux au chômage », expliquait alors le secrétaire permanent de l’Unicois à Afrik.

Mais l’association des consommateurs du Sénégal (Acosen) avait plaidé en 2004 la cause des commerçants asiatiques dont les prix défient toute concurrence. Tout comme le président Mwanawasa a plaidé celle de son homologue chinois la semaine passée : « Le gouvernement chinois a beaucoup contribué au développement de ce pays et c’est contre lui que vous manifestez… », a-t-il lancé aux employés de la ZCMT qui protestaient devant l’ambassade de Chine à Lusaka.

Jusqu’au 10 février prochain, le président chinois prévoit de visiter la Namibie, les Seychelles, le Liberia, la Zambie, le Mozambique et le Soudan. Arrivé mercredi au Cameroun, où, selon le quotidien Mutations, les Chinois se plaignent des agressions et de la stigmatisation dont ils sont l’objet, Hu jintao a tenu à mettre certaines choses au point : « La Chine, a-t-il assuré pour prévenir les critiques de néocolonialisme formulées à l’encontre de son pays, n’a jamais imposé sa propre idéologie, son système social et sa méthode de développement aux autres, ni engagé ses intérêts au détriment des autres ».

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