Lura, de Lisbonne au Cap-Vert


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Lura
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Après son premier succès en 2004, la chanteuse capverdienne Lura revient avec un nouvel album, M’bem di fora. Elle y interprète avec gaieté les titres qui ont bercé sa jeunesse, ainsi que d’autres qu’elle a composés seule ou avec de talentueux compositeurs. Elle a parlé avec Afrik de son parcours, de Lisbonne, où elle est née, au Cap-Vert, sa terre.

M’bem di fora, « Je viens de loin », c’est le titre du deuxième album de la chanteuse capverdienne Lura. C’est « une expression qu’utilisent beaucoup les gens au Cap-Vert. « Je suis venu de la campagne intérieure de Santiago », disent-ils par exemple lorsqu’ils arrivent à la ville », explique la chanteuse dans un français hésitant. Mais elle-même ne vient pas de si loin. Ni de l’île montagneuse de Santiago, au Cap-Vert, où est né son père, ni de celle de Santo Antao, d’où sa mère est originaire. Lura vient de Lisbonne, où ses parents ont émigré et où elle est née en 1975.

Il faut pourtant croire que l’attachement des insulaires capverdiens à leur terre ne se transmet pas par le lieu de naissance. Petite, les parents de Lura refusaient de lui parler créole parce qu’ils craignaient qu’elle rencontre des difficultés à l’école. « Lorsqu’ils recevaient des amis capverdiens, je ne comprenais rien et j’allais dans ma chambre », raconte-t-elle de ses grands yeux noirs, presque trop timides lorsqu’on sait quelle bête de scène elle est. Elle n’en a pas moins baigné toute son enfance dans la culture de son pays d’origine, mangé Cap-Vert, chanté Cap-Vert, dansé Cap-Vert et discuté créole capverdien avec ses amis, vers 14-15 ans, pour apprendre. Jusqu’à pouvoir se rendre sur l’archipel, à l’âge de 21 ans.

Née au Portugal, adoptée au Cap-Vert

Le billet d’avion était un peu cher pour faire le voyage avec ses trois sœurs et sa mère, comme « en rêvait » cette dernière. Lorsqu’elle met le pied sur la terre de ses ancêtres pour la première fois, elle le fait en qualité de chanteuse. Choriste à 17 ans du zoukeur de Sao Tome, Juka, elle sort quelques années plus tard un album en catimini, dans la capitale portugaise. Parmi les titres, une chanson d’amour, « Nha Vida » (« ma vie »), qui fait un carton jusqu’au Cap-Vert. Invitée à l’y interpréter, Lura est immédiatement adoptée par le public. La chanteuse trouve « un peu bizarre [son créole] mixé avec des mots de portugais », mais ses nouveaux fans n’en ont cure.

De ce premier voyage, elle se remémore « le choc de la pauvreté » et une image : « l’aéroport. Une petite maison, on sort, et c’est le désert. Je me souvenais des histoires de mes parents qui me parlaient d’un pays magnifique. Je regarde et rien. Mais lorsque j’ai commencé à voyager, à découvrir les paysages, à regarder les personnes, leur accueil, la façon dont ils te donnent quelque chose, même petit… j’ai adopté le pays », raconte-t-elle, les pommettes rondes sur un visage surmonté d’une coupe afro. Là-bas, elle a également compris l’origine de l’architecture des quartiers capverdiens de Lisbonne. Et regrette le calme, la mer et le « temps qui passe très tranquillement » lorsqu’elle retourne dans la capitale portugaise.

Avec Cesaria Evora et Bonga

Depuis ce voyage, Lura vit « ce [qu’elle] a perdu enfant ». C’est pourquoi dans son nouvel album, comme dans le précédent, Korpu di alma, elle prend plaisir a interpréter les succès de la musique capverdienne qui ont bercé son enfance. C’est le cas de la chanson M’bem di fora, qui parle « des paysans des campagnes et de leur caractère authentique ». Lura embrasse tous les genres de la riche musique capverdienne avec succès. La coladera, dans No be fala, la riante Cola sanjon de Romaria, un rythme de fêtes de la Saint-Jean, ou encore le batuque, « le rythme des femmes, fait de percussions », qu’elle « aime danser » et que l’on retrouve dans trois titres.

Jamais Lura ne se lamente ni ne verse dans la nostalgie. Même pas dans les chansons d’amour dont elle compose les textes. « Parfois tu parles de choses tristes, mais tu peux donner un peu d’espoir. Je suis comme ça, toujours, c’est la vie… » De l’énergie, il lui en a fallu depuis deux mois pour enchaîner parfois six concerts d’affilée à travers trois pays différents (Suède, Norvège, Danemark). L’ancienne nageuse, qui hésitait à se lancer dans la carrière de chanteuse et s’étonnait il y a encore peu qu’on lui demande la date de son nouvel album, ne se pose plus de question. Elle s’est entourée pour M’bem di fora des meilleurs musiciens, tel l’accordéoniste malgache Régis Gizavo, ainsi que de talentueux compositeurs, jeunes et moins jeunes.

Lura s’était déjà faite remarquer dans un duo avec le chanteur angolais Bonga (Mulemba Xangola). Du 24 au 26 novembre, c’est une autre légende de la musique lusophone qu’elle accompagne. Elle est en première partie de Cesaria Evora à l’Olympia.

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