Zouhair à l’air libre


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Le journaliste tunisien Zouhair Yahyaoui a retrouvé la liberté mercredi après plus d’un an et demi de détention pour avoir critiqué le régime du Président Ben Ali. Il ressort très affaibli de son incarcération, mais conserve un moral d’acier.

Zouhair est sorti de prison. Le créateur du magazine en ligne TUNeZINE a bénéficié d’une liberté conditionnelle mardi après un an et demi passé dans les geôles tunisiennes. Zouhair Yahyaoui, alias Ettounsi, ressort très affaibli d’un combat qu’il aura ponctué de grèves de la faim, seul moyen à sa disposition pour faire entendre sa voix. Une voix à laquelle Tunis aura servi de haut parleur, sans le vouloir. L’arrestation arbitraire du journaliste, officiellement pour « propagation de fausses nouvelles » et « utilisation frauduleuse de moyen de communication », a fortement touché la communauté internationale.

C’est un journaliste qui a annoncé l’heureuse nouvelle à Sophie Piekarec, sa compagne qui vit en France. « C’était si inattendu, si inespéré…J’ai éclaté en sanglots. Comme je n’arrivais pas à m’arrêter, il m’a rappelée plus tard pour me donner plus de détails. J’ai posé ma journée pour rentrer chez moi, mais j’ai dû attendre deux heures avant de prendre ma voiture tant j’étais nerveuse », explique-t-elle. Ces larmes de joies, elle ne croyait pas les voir couler un jour.

Moral d’acier

Le cauchemar du journaliste a commencé le 4 juin 2002. Zouhair est arrêté par la police, presque un an après la création de son site. Le 10 juillet de cette même année, la cour d’appel de Tunis le condamne à deux ans de prison. Pourquoi ? Pour avoir critiqué le régime du Président Ben Ali. Un courage qui déclenche la colère des autorités. Il est enfermé dans une cellule très insalubre où il est privé de tout : de courrier, de lecture, de colis de nourriture et même de son journal intime. Il souffre d’abcès dentaires : il ne peut consulter un dentiste et recevoir des médicaments qu’après des mois d’une souffrance insoutenable. « Il a maintenant un abcès généralisé de la gencive et on devra peut-être lui enlever toutes les dents », confie Sophie Piekarec.

Malgré toutes ces épreuves, son moral est resté intact. Il a gardé son humour, une façon pour lui de tenir le coup et de couper court aux sentiments de révolte suscités par les conditions de son incarcération. Coupé pendant si longtemps de tout et de tous, Zouhair n’en a pas pour autant perdu le sens des réalités. Il estime que, dans son malheur, il a eu de la chance. « Il ne s’apitoie jamais sur son sort. Lorsqu’on lui parle de ses conditions de détention, il dit que c’est du passé. Et il recentre la discussion sur ceux qui sont encore en prison », raconte Sophie Piekarec. Reprendre le combat sur la Toile ? Ce n’est pas à l’ordre du jour. « La priorité, c’est sa santé. Son rétablissement peut prendre plusieurs mois. Il sort à peine de sa quatrième grève de la faim », explique son amie.

Forte mobilisation

L’histoire du « cyberdissident » Zouhair a ému la communauté internationale, à commencer par ses confrères. Alors qu’il était derrière les barreaux, il a remporté le premier prix Cyberliberté Reporters s@ns frontières – Globnet. La compagne du journaliste rapporte que plusieurs Etats ont exercé une pression diplomatique discrète sur les autorités tunisiennes pour qu’elles le libèrent. Les organisations non gouvernementales n’étaient pas en reste. Des internautes de tous les pays ont signé la pétition en ligne demandant sa libération.

La visite, en décembre prochain, du Président français Jacques Chirac en Tunisie a peut-être aussi participé à faire plier le pouvoir. La préparation du Sommet mondial de la société de l’information de 2005 est un autre facteur qui a dû pencher en faveur de Zouhair. Il aurait été pour le moins curieux que Tunis héberge l’événement avec Genève sachant que des journalistes y sont emprisonnés pour avoir exercé leur droit légitime.

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